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Aaron Allston (1960-2014)

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Aaron Allston est mort d'une crise cardiaque hier à 53 ans. Il était à la fois auteur de jeu de rôle et romancier (il avait créé une série de pulps de fantasy, Dr Sidhe). Il est surtout connu pour avoir été un des grands organisateurs du monde de Mystara pour D&D avec Bruce Heard : il fit notamment le premier Gazetteer sur Karameikos (1987), le supplément sur Thyatis et Alphatia et la campagne Wrath of Immortals.

Mais je retiens surtout de lui deux suppléments dont on sous-estime, je trouve, l'importance dans l'histoire du jeu de rôle.

Le premier est Strike Force (1988), un livre sur sa campagne du jeu de superhéros Champions. Les conseils de maîtrise y sont devenus tellement légendaires qu'ils ont depuis été repris dans la plupart des livres sur les maîtres de jeu (notamment dans la 4e et 5e édition de Champions, mais l'influence est claire sur les livres de Robin Laws). Il avait divisé les buts des joueurs dans le jeu (celui qui veut être le Meilleur dans un domaine, celui qui espère Construire quelque chose au cours du jeu...) et ensuite écrire sa campagne en cherchant à satisfaire successivement ces buts le plus possible en donnant à chaque personnage son moment sous les projecteurs. Voir l'article de Jeff Rients, celui de Christian Lindke ou celui de Lowell Francis dans son histoire des jeux de rôle de superhéros.

Le second, la même année 1988, est Mythic Greece: Age of Heroes, supplément pour les règles de Champions/Fantasy Hero qui reste à mes yeux le meilleur jeu de rôle sur la mythologie grecque en détaillant chaque Cité séparément.

Fait accompli

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On se moque souvent des atermoiements Hamletiens ou des hésitations de nos dirigeants occidentaux comme Obama ou Hollande - car après tout, eux ont décidé qu'ils étaient assez fous pour décider à nos places, mais il y a de nombreux cas où on peut partager la même perplexité. Et à tout prendre, je préfère encore ce doute à l'illusion de simplicité d'un Bush ou la rhétorique volontariste vide d'un Badinguet.

Fait
D'un côté de Realpolitik, on sait qu'on ne fera rien qui puisse déranger la Russie de Poutine (de même que si la Chine décide un jour d'envahir la démocratique Taïwan, personne ne sera prêt à mourir pour la liberté de Taipeh). Et Poutine le sait aussi. Donc le débat est clos, on s'agitera mais on ne fera rien, même si l'armée russe massacrait des opposants ukrainiens (tant qu'ils le font avec des armes conventionnelles, bien entendu).

On reconnaîtra le Fait Accompli : la Crimée est une zone russe et restera longtemps un protectorat autonome par rapport à Kyiv pour satisfaire cette large minorité russophone (un tiers de la population dans tout le pays mais une majorité en Crimée : 58% contre 24% d'Ukrainiens). Et tant pis pour ces malheureux Tatars de Crimée (12% de la population régionale) qui ont l'habitude d'être horriblement persécutés par les Russes.

Et même une future Présidente Timochenko ne pourrait pas détacher l'Ukraine de cette tutelle de fait de son si puissant voisin.

Individus
Mais même d'un côté théorique ou idéal, je ne sais pas ce que nous devrions faire.

On peut ironiser sur le côté anecdotique d'individualiser les questions politiques face à des situations géopolitiques aussi massives.

Victor Yanoukovitch et sa famille sont des pourris, c'est indéniable et on ne peut donc que ressentir quelque joie à leur chute. Ils ont aussi gagné les élections démocratiquement, en partie grâce à l'argent russe et grâce aux peurs légitimes des Russophones de l'Est.

On dit que l'opposition a été putschiste mais on peut penser qu'ils auraient pu encore admettre le mandat de ce corrompu s'il n'avait pas voulu être trop gourmand et refuser de libérer Julia Timochenko. Timochenko ou en tout cas son mari Oleksandr n'ont pas l'air très honnêtes non plus, ayant fait leur fortune dans le domaine de l'Energie au moment de la chute du Communisme, mais on ne peut plus vraiment critiquer Timochenko depuis toutes les persécutions qu'elle a subies depuis qu'elle a eu le malheur de perdre les élections. Le pire dans toutes ces accusations était qu'on la jugeait coupable d'avoir manipulé le marché en faveur de Gazprom, quand on sait que c'était justement Gazprom ( = Poutine) qui l'avait fait tomber.

Même ce (relativement) homo novus de Vitaly Klitschko, dont on dit qu'au moins il n'est pas trop lié aux Oligarques classiques, ne paraît pas complètement honnête (du moins si on croit des rumeurs qui peuvent avoir été aussi exagérées par le clan Yanoukovitch que celles inventées contre Timochenko). Mais comme ce n'est qu'un blog, je peux afficher mes préjugés : j'avais déjà quelques doutes sur l'engagement des maîtres d'échecs mais j'ai du mal à imaginer qu'une personne, quelle que soit son intelligence, qui a dédié la majeure partie de sa vie à être le meilleur à donner des coups sur la tête comme boxeur professionnel peut former un espoir réaliste de dirigeant démocratique.

L'Ouest soutient Timochenko et demain Klitschko mais reconnaît le malaise devant la manoeuvre du Parlement contre cette ordure de Président Yanoukovitch. Pour l'instant, c'est le parti de Timochenko, avec le Premier ministre Arseny Yatseniuk, qui a tout le pouvoir et qui n'a rien laissé au UDAR de Klitschko. Mais la prévisible (hélas) politique d'austérité et la crise énergétique qui s'annoncent risque de ne pas les laisser très longtemps au pouvoir seuls.

Il faudra en revanche que l'Union européenne soit plus claire pour maintenir les droits de la minorité russophone face à l'extrême droite ukrainienne (qui trouve sans doute Timochenko et Klitschko trop modérés ou dans leur imaginaire trop vendus à quelques Complot judéo-russe). Cela implique de pousser la démocratie ukrainienne si polarisée et fractionnée à maintenir les liens avec la partie orientale et le Parti des Régions qui soutenait Yanoukovitch. L'interdiction de ce Parti reviendrait à une déclaration de Guerre civile.

Je crois que la partition serait une solution à laquelle on pourrait se résigner mais je ne pense pas qu'on soit prêt à en entendre parler, ne serait-ce que par crainte d'un effet domino d'autres minorités à travers toute l'Europe centrale et orientale.

Les réactions des extrêmes
On a un peu simplifié en disant que l'extrême droite et l'extrême gauche étaient toutes les deux pro-Poutine par simple anti-américanisme.

Mélenchon a eu quelques formules discutables (on peut toujours argumenter sur le terme de putsch même si la manoeuvre parlementaire n'est pas clairement constitutionnelle) mais il ne faisait finalement qu'entériner le fait que l'Ukraine est dans la "sphère" russe (le raisonnement géographique finalement très colonial qu'il tient aussi quand il défend l'occupation du Tibet par la Chine - ou une hypothétique annexion de la Wallonie par la France, peut-être ?). Mais les quelques nuances qu'il avait mises contre le régime de Poutine ont été perdues dans son message et il risque de laisser le souvenir d'un simple pion de l'impérialisme russe.

Le Pen (IIe du nom) m'étonne en un sens plus dans son soutien à Poutine car on pourrait croire que l'extrême droite française aurait des réflexes en faveur de l'ouest ukrainien de culture plus catholique. Mais je présume que pour elle, au-delà de l'anti-américanisme, il y a aussi un miroir du même réflexe colonial : la Grande Puissance est justifiée dans son ancienne marche et le nationalisme russe l'emporte donc sur le nationalisme ukrainien.

On dit que l'extrême droite hongroise (l'une des plus puissantes de toute l'Europe, en dehors de la Suisse et de l'Autriche), malgré toute sa russophobie et la tradition d'une vieille alliance avec la Pologne, préfèrerait aussi ce choix de Poutine à l'Ukraine occidentale (peut-être à cause des 170 000 magyarophones en Transcarpathie).

Charge of the Light Brigade

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Boldly they rode and well,
Into the jaws of Death,
Into the mouth of Hell

Je parle plutôt de l'actualité maintenant sur twitter mais 140 signes ne font pas dans la nuance.

Quelques pensées dans le désordre :

Le rôle des extrêmes
Sur les sites de gauche critique, je reviens tout le temps sur la même idée que les Médias nous cachent que l'opposition était d'extrême droite (et on retrouve la même critique sur les sites russes et sur les sites de l'extrême droite néo-nazie soralienne qui a une géométrie très variable dans l'indignation face au concept de fascisme).

Le jeune historien Timothy Snyder, spécialiste de la région, accuse la gauche dite critique d'être tombée dans un travers complotiste et un piège de la propagande russe (déjà utilisé notamment pendant le soulèvement de 1956 à Budapest).

Il minore beaucoup le rôle de ces ultra-nationalistes en disant
(1) que les manifestants au début étaient très divers, dont même un dirigeant musulman Mustafa Nayem, qu'on ne peut pas accuser d'être proche des ultra-nationalistes.
(2) que les jeunes militants ultra-nationalistes de Svoboda qui se sont ensuite joints au mouvement l'ont fait contre les dirigeants de Svoboda (souvent clairement néo-nazis, qu'il soupçonne d'être une pseudo-opposition fabriquée pour diviser l'opposition, et qui n'ont après tout obtenu que 10%, surtout en Galicie)
mais ensuite (3) il va jusqu'à minorer l'extrémisme même de Pravy Sektor (en disant qu'ils sont plus nationalistes que racistes ou anti-russes), dernier point qui me paraît contredire ce qu'on lit partout ailleurs. Regardez par exemple ce reportage de la BBC d'hier où un jeune du "Secteur Droite" dit son admiration pour le nazisme.

De manière assez inquiétante, on avait même proposé un poste au gouvernement (Vice-secrétaire à la sécurité nationale) au chef de Secteur droite. Il a refusé et c'est seulement Svoboda qui est entré...

La Rada (le Parlement)
Il a 450 membres et l'Ukraine a un système unicaméral (comme près de la moitié de la planète maintenant en fait, ce n'est plus du tout une rareté).

Depuis les élections de fin 2012, le Parti des Régions (où ils atteignaient 210 députés) gouvernait avec les Communistes (32 sièges) et avait pu attirer quelques indépendants comme le petit parti de la jeune milliardaire Natalia Korolevska (Ukraine en Avant, puissant dans l'est du pays, qui avait quitté le Front de l'opposition mais fut finalement éliminé complètement du Parlement après cette trahison.

Le parti de Julia Timochenko, Bat'kivshchyna (la Patrie), n'avait eu qu'une centaine de députés, avec 40 pour l'UDAR de Vitaly Klitschko et 37 pour le Parti d'extrême droite Svoboda (Liberté).

Mais un peu plus d'un an après, en février 2014, le Parti des Régions a vu ses membres le fuir après la sanglante répression de Maïdan. Il n'a plus que 122 sièges sur 450 au lieu de 200 (plus les 32 sièges communistes qui sont restés stables). L'opposition a en revanche eu une croissance avec 36 députés ex-Parti des Régions qui l'ont quitté (en partie à cause du refus de Yanoukovitch de signer l'accord commercial avec l'Union européenne), plus de nombreux Indépendants, ce qui donne un total suffisant pour atteindre un chiffre de 250 sur 450.

Le gouvernement Yatseniuk
Le nouveau gouvernement d'Arseny Yatseniuk a été appelé un gouvernement "kamikaze". Yatseniuk, technocrate libéral et ancien Ministre des affaires étrangères, a dit qu'il allait appliquer une politique d'austérité très sévère pour obtenir des accords du FMI.

Cela risque de créer une spirale curieuse : la population va vite se retourner contre le gouvernement et ils peuvent donc perdre les élections suivantes. La Révolution euromaidan mangera donc ses enfants ou le FMI contribuera à agraver la crise sociale au nom de la dette.

Cependant l'occupation (ou l'indépendance de facto) de la Crimée va paradoxalement affaiblir le Parti des Régions à la Rada (le Conseil Suprême, unicaméral) s'ils n'y ont plus de députés dans les zones où ils sont les plus forts. Il faudra voir les conditions du vote dans l'Ukraine de l'est et s'il y aura un boycott organisé par certains des Russophones (car j'imagine que Poutine va se contenter de la Crimée, même s'il y a tous ces drapeaux russes sur l'Ukraine de l'est). C'est peut-être étrangement une chance à court terme pour le candidat du Bloc Timochenko ou du Parti conservateur Bat'kivshchyna, aux prochaines Présidentielles, même si cela amoindrit bien sûr sa légitimité à moyen terme.

Le gouvernement de Yatseniuk a failli s'ouvrir au Parti UDAR de Klitschko (le Boxeur) mais ce sont eux qui auraient refusé (même si les 42 membres d'UDAR soutiennent le gouvernement).

Il y a un poste symbolique de Vice-Premier ministre donné à Oleksandr Sych, qui est membre de Svoboda (36 députés à la Rada) et ils ont aussi eu le Ministère de l'Agriculture et celui des Ressources naturelles (le Ministère de la Défense est à un Amiral qui serait proche aussi). Je ne sais pas si c'est à cause de cette présence de Svoboda que le nouveau gouvernement a soutenu cette nouvelle loi stupide contre l'usage de la langue russe (qui est la langue principale d'un tiers de la population).

Ils ont en revanche incorporé quelques symboles du mouvement d'EuroMaidan, dont des gens qui se sont fait tabasser par les milices de Yanoukovitch. Mais ces figures assez sympathiques jouent un rôle mineur.

L'homme fort du gouvernement doit être le Ministre de l'Intérieur Arsen Avakov, un des plus riches financiers de Kharkiv. Il est membre du Bloc Timochenko et a lui aussi été accusé d'une fraude (avoir exproprié 55 hectares dans la région de Kharkiv) mais j'ignore si c'est encore un complot pour le discréditer.

Le futur de Julia Timochenko ?
Timochenko va essayer de négocier avec Poutine demain et elle en a l'habitude. On dit qu'elle n'est plus qu'un symbole qu'on plaignait mais qu'elle n'a plus guère de crédit politique dans les mouvements d'Euromaïdan après sa longue détention.

Arseny Yatseniuk s'était présenté contre elle en 2009 en disant qu'elle ne valait pas mieux que Yanoukovitch. Son parti ne s'est finalement allié à la Bat'kivshchyna qu'après l'emprisonnement de Timochenko et n'a formellement rejoint le Bloc Timochenko que l'an dernier après avoir catégoriquement refusé des offres de Yanoukovitch. Mais il a promis ne pas vouloir se présenter aux prochaines Présidentielles. Le plan actuel de la nouvelle Majorité semble donc être de réduire le pouvoir du Président et peut-être de le transmettre quand même à Timochenko ?

Free Comics: Lars, de Mars

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Tout le monde doit déjà connaître le site de The Digital Comic Museum (DCM) qui donne gratuitement et légalement des comic books américains qui ont eu leur ascension (je préfère dire montés que tombés) dans le Domaine Public. Il y a notamment là bas les histoires de Fawcett Comics et Captain Marvel (le premier, celui qui réussit au début des années 1940 à concurrencer Superman avant d'être rattrapé par un procès de DC). Il y a aussi tous ces autres genres que les superhéros ont depuis refoulés (guerre, policier, espionnage, pirates, western, romance, humour, animaux...).

Mais il y a aussi des histoires bien plus obscures, comme par exemple celles du groupe Ziff-Davis. Elle existe toujours sous une autre forme (ZDNet) mais c'était une maison d'édition assez prestigieuse dans les Pulps des années 1920-1940 et ils avaient notamment racheté le célèbre magazine d'anticipation Amazing Stories.

Au début des années 1950, Jerry Siegel, le créateur de Superman, venait de finir son premier contrat avec DC (il y retourna à nouveau pendant toutes les années 1960) et il fut embauché par Ziff-Davis pour tenter de lancer leurs propres bandes-dessinées. Elles furent nombreuses mais sans guère de succès. Les titres sont parfois assez originaux et les numéros commencent souvent à #10, le #11 étant souvent d'ailleurs le dernier la même année 1951. Le Musée a plus d'une centaine de leurs numéros (dont surtout leur plus gros succès G.I. Joe qui continua, lui, pendant une cinquantaine de numéros jusqu'en 1957). Ziff-Davis a plutôt évité le genre des superhéros, peut-être parce qu'il était en déclin à cette période ou bien parce qu'ils jugeaient le marché déjà saturé. 

Lars Gratia Martis
Lars of Mars  pourrait en théorie appartenir à de la SF mais il est simplement un superhéros. Il n'eut que deux numéros à l'été 1951. Les dessins sont de Murphy Anderson, qui illustrait auparavant Buck Rogers et qui passa juste après Lars sur un personnage très similaire, Captain Comet chez DC (le même design que Lars fut adopté ensuite par Murphy Anderson pour le célèbre Adam Strange en 1958).



Superman était une inversion de John Carter (le Terrien Carter acquiert des pouvoirs sur Mars, le Kryptonien Kal-El acquiert des pouvoirs sur Terre) et Jerry Siegel s'amuse à faire une fusion de Superman et John Carter : Lars (au nom si étrusque ou scandinave) est un Martien complètement humanoïde envoyé sur Terre en mission secrète pour nous empêcher de mal utiliser nos armes nucléaires. La Planète nommée par le Dieu de la Guerre se veut donc paternaliste et pacifique. C'est aussi la même année que le très joli The Day The Earth Stood Still de Robert Wise, où Klaatu et Gort doivent nous convaincre d'abandonner nos moeurs rétrogrades.

Dans Lars, les Martiens et les Vénusiens avaient déjà failli s'entre-détruire ainsi, ce qui a causé une interdiction du voyage interplanétaire dans le système solaire et c'est le Conseil Suprême de la Quatrième Planète qui a décidé d'envoyer leur meilleur agent secret pour surveiller notre planète primitive. 

Lars s'est retrouvé bloqué sur Terre après un crash de son vaisseau et le gouvernement martien lui ordonne de rester jusqu'à ce que la situation géopolitique terrienne s'arrange et "qu'il n'y ait plus de Mal" (ce qui vaut une bulle assez blasée et pessimiste du pauvre exilé). Bien qu'extraterrestre, il a vite adopté la position américaine contre le totalitarisme communiste, soviétique et chinois, et ses supérieurs restés sur Mars sont d'accord avec lui et ont mis sous écoutes ces menaces. Son pire ennemi (deux apparitions) sera le Professeur Raskov, savant fou criminel et ami de Staline qui a inventé un rayon glaçant. J'imagine que si la série avait duré, on aurait entendu parler à nouveau de ce Bloc Vénusien ennemi de Mars. 

Pouvoirs
Il a plusieurs pouvoirs comme la télépathie (dont il se sert pour apprendre l'anglais), un pouvoir d'hypnose (il manipule son amie pour qu'elle ignore ses absences) et quelques gadgets martiens comme son jetpack (qui lui permet même de passer dans une Cinquième dimension pour franchir des distances en une vitesse supérieure à la lumière) et un rayon magnétique. Il n'est jamais dit si ses pouvoirs mentaux lui sont uniques ou si c'est commun aux Martiens.

On voit une jolie scène dans la Cinquième Dimension où il est soudain en superposition avec un essaim de contreparties minuscules de lui-même avant de réintégrer notre dimension. Ce genre de petites scènes délirantes sauve ce comic de Jerry Siegel de sa monotonie.



Identité secrète
Il a pris l'identité secrète la plus transparente qui ait jamais existé pour un superhéros.

Il se fait en effet passer pour un acteur qui joue le rôle d'un Martien humanoïde pour une nouvelle série télévisée Man From Mars. Lars n'a pas de mal à simuler une certaine folie excentrique où l'acteur humain se prendrait pour son personnage extra-terrestre, ce qui lui permet de garder son scaphandre et jetpack en permanence comme si ce n'était qu'un costume factice de la série.

La plupart pensent qu'il ne fait cela que par goût de la publicité et il lui arrive dans un épisode de mettre un masque en plus pour qu'on n'assimile pas l'acteur et le vrai héros martien dont les médias entendent parler. Ainsi, il prétend n'être que son propre imitateur (un peu comme Iron Man prétendra n'être qu'un employé et garde du corps travaillant pour Stark ?).

Il est engagé par une jeune productrice télé (oui, en 1951, les comics sont souvent en avance dans le statut social des femmes), June Conway, qui n'a pas l'air de le prendre très au sérieux et pense avoir conçu toute son identité (alors que Lars fournit parfois ses aventures réelles comme scripts pour les histoires de Man From Mars). C'est sans doute son origine martienne qui fait qu'il n'a aucun scrupule à l'hypnotiser pour qu'elle ait l'illusion qu'il reste avec elle quand il est en mission secrète.

DC aura quelques années après son propre Martian Manhunter, nettement moins humanoîdes mais avec une liste inépuisable de superpouvoirs (invisibilité, polymorphie, élasticité, vol...). Adam Strange reprendra le costume de Lars mais en s'inspirant plutôt de John Carter dont Lars était une inversion. Lars ressemblait plus à Superman sur bien des points (sa June Conway si active ressemble à Lois Lane) et sa série télévisée anticipe la vraie série Adventures of Superman (1952-1958) qui n'était alors qu'en préparation mais dont Jerry Siegel devait déjà savoir qu'il ne toucherait pas un seul centime.

Les éditions Ziff-Davis des années 50 aimaient décidément les Martiens car un autre titre (qui ne se trouve hélas pas encore sur le Musée) était Crusader from Mars (deux numéros en 1952). Le héros martien Tarka est condamné par la justice martienne après un crime passionnel à aller sur Terre avec sa soucoupe volante pour faire régner la justice. S'il échoue, il sera exécuté (et la planète Terre aussi en passant...). Il se donne d'ailleurs une juridiction sur Terre et se permet d'envoyer nos criminels au bagne "pour creuser les canaux martiens". Il reste donc à écrire la fanfiction où Tarka (et son complice Zira), criminels devenus justiciers, rencontreront Lars. Et peut-être aussi Gort (Klaatu Barada Nikto). 

Petite mythologie (provisoire) du Monde brisé

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(Voir le post précédent sur la géographie du Monde Brisé)

Ce post est provisoire puisque l'éditeur de Broken World a annoncé un livre à venir qui doit développer la mythologie, le Livre des Origines. Je me concentre sur les événements préhistoriques (car d'autres divinités n'apparaissent qu'ensuite comme apothéoses d'anciens mortels) et je dois dire que certains événements sont plutôt mon interprétation qui n'a bien entendu rien d'officiel.

  • 1 Cosmogonie et naissance des Espèces anciennes

  • Dankhâ la Mémoire, qui a donné son nom à la Dankhélie, fut la Mémoire originelle. Il a donné naissance à Ekel la Loi. Puis, comme depuis la Loi cosmique, rien ne se crée de rien, Dankhâ se sacrifia pour donner naissance aux cinq oppositions de la Nature : Draco (Feu), Olos (Eau), Elys (Air), Demet (Terre) et la Quintessence des étoiles.

    Draco créa les Dragons, Olos créa l'espèce des Naâgas dans les eaux, Elys et son frère Zephyr créèrent de leur souffle la race aérienne des Elfes ailés, Demet, dieu de la Terre, et Torrune le Forgeron créèrent les Nains.

  • 2 Naissance du Chaos, du Temps et du Mal

  • Mais les oppositions tirées de la division de la Mémoire originelle engendrèrent un nouvel opposé à tout l'ordre cosmique et à la Loi d'Ekel : Oonkaas, le Chaos.

    Mais Oonkaas le Trompeur vit bien qu'il risquait d'être vaincu par Ekel le Juge et il se dédoubla, en créant une imitation, une copie, une ombre qui serait isolée à sa place, la Négation.

    Ekel le Législateur fut abusé par cette ruse et rejeta, avec injustice, hors du monde ce reflet qu'il prit pour Oonkaas. On l'appelle le Banni. Ekel créa un Mur de Loi, la Dernière sphère avec la Quintessence, avec ses treize constellations nommées les Treize Vertus ou Treize Titans ouraniens.

    Ce mouvement des Sphères engendra Kronos le Temps, Priel le Jour et Octia la Nuit, et le Destin de chacun dépend des rapport des Treize vertus.

    Ainsi l'ordre du Temps devait protéger de la destruction en donnant à chacun sa part du Destin, sa part de bien et de mal, d'être et de non-être, de manière juste.

    [Cf. le célèbre fragment si obscur d'Anaximandre cité par Simplicius, Fragment DK 12 A9  : ἐξ ὧν δὲ ἡ γένεσίς ἐστι τοῖς οὖσι, καὶ τὴν φθορὰν εἰς ταῦτα γίνεσθαι κατὰ τὸ χρεών· διδόναι γὰρ αὐτὰ δίκην καὶ τίσιν ἀλλήλοις τῆς ἀδικίας κατὰ τὴν τοῦ χρόνου τάξιν
    "d'où les étants ont leur Devenir, vers là aussi leur advient leur Destruction, selon ce qui est prescrit, car ils doivent se rendre mutuellement Justice et expier entre eux l'Injustice selon l'ordre du Temps."]

    Mais le Banni ainsi injustement traité engendra le Mal. Son injustice infecta à travers le Mur de la Dernière Sphère l'intérieur de l'ordre cosmique alors que Oonkaas semait le Chaos intra-cosmique.

    Kronos décida que désormais rien ne serait jamais éternel, même les Dieux eux-mêmes et qu'un jour eux aussi devraient connaître la conflagration finale et l'exil de la Négation du Non-Être. Et ainsi le devenir vint affecter le conflit divin.

  • 3 L'apparition de la Mort et du Premier Soleil : Draco

  • En ce temps divin, la Mort n'existait pas. Le Songe remplaçait la Mort et Morphéa la Maîtresse des Rêves endormait temporairement les défunts avant que sa soeur Aurore ne les réveille chaque matin.

    Mais Oonkaas le Trompeur sema le désordre chez les Dieux.

    Elys des Airs reçut une part de ce Chaos et elle fut pleine de folie, de fantaisie et d'inspiration poétique [Chaotique Bonne] mais son frère Draco fut consumé d'orgueil, d'ardeur violente et de jalousie [Chaotique Neutre].

    Draco le Feu originel vola les ailes des Elfes pour les donner aux Dragons et ce fut la Chute des Elfes, sauvés par les Neuf Vents de Zephyr. L'un de ces Elfes déchus sur Terre devint Faun, dieu des plaisirs terrestres, des forêts et de l'Ivresse.

    Draco vola les métaux des Nains pour les écailles des Dragons et les Nains ne le lui ont jamais pardonné.

    Mais surtout Draco vint pour massacrer dans les eaux toute l'espèce des Naâgas. Il tua même son frère Olos, qui franchit l'Eau vers la Mort et devint le premier Psychopompe et le Premier Défunt.

    Quand Aurore tenta de ressusciter Olos et d'empêcher cette Première mort, elle sacrifia elle-même une partie de son essence mais elle échoua partiellement - c'est pourquoi elle porte encore le Naâga enroulé autour de son caducée en souvenir de ce peuple martyr qu'elle ne put sauver.

    Mais depuis qu'Olos est revenus des Morts, c'est Ornithalos, le Gardien des Rêves, qui joue ce rôle de Psychopompe et de Juge des Morts, Seigneur des Plaines Sans Larmes.

    Olos des Eaux revint mais transformé, ni Vivant ni Mort, et infecté par le Mal qui avait été banni hors du Cosmos. Il devint Cendre et demanda Justice aux Dieux contre son frère Draco.

    Le violent Draco fut condamné par le Juge Ekel à se consumer chaque Jour pour donner son Feu au Monde pour soutenir la lumière céleste de Priel et il devint le Soleil.

  • 4 Le Cycle des deux Lunes : La Céleste et la Grise

  • Quant à Cendre, il ne fut pas soulagé par ce verdict. Comme Draco avait maintenant la suzeraineté sur Priel le Jour, Cendre voulut prendre la maîtrise d'Octia, la Déesse de la Nuit.

    Octia avait deux Yeux, Uranie et Lycanos et Cendre arracha Lycanos dont il fit sa Lune grise qu'on appelle désormais Cendre. Et depuis, Octia est borgne, et elle protège de ses paupières un fragment de la lumière dans la nuit, et la Lune grise de Cendre poursuit la Lune blanche Uranie et le Soleil Draco.

    Et c'est pourquoi les Lunes continuent d'attirer les Eaux marines dans les marées, ancien domaine du dieu Olos avant sa mort. Et c'est pourquoi un Dragon doit s'offrir en sacrifice pour régénérer Draco à chaque Eclipse.

    Il existe toujours un culte ancien, celui des "Trois Veuves", de l'ancien aspect d'Olos des Eaux avant qu'il ne devienne le maléfique Cendre et qui prétendent que ce Vengeur maléfique a encore en lui un peu de ce qu'il était.

  • 5 Naissance des Hommes et de leurs cultures : le Coffre

  • Oonkas le Trompeur prit la forme d'un Cerf blanc et s'unit à Gaya, fille de Demet, gardienne de la Nature, et de ce mélange du Chaos et de l'Ordre cosmique naquit Rhapsode, le Premier Humain et Premier Conteur, créateur des Bardes.

    L'une des premières légendes fut sans doute la naissance du premier hybride, Elyon. Né la nuit où Lycanos devint la Lune de Cendre, né d'un Humain violent et d'une Elfe, Elyon devint le premier Lycanthrope, lié aux cycles de la Lune grise.

    Quand Cendre créa la première éclipse grise et le premier retour de Morts-Vivants, les Humains durent se liguer contre ce terrible danger.

    Oonkaas apporta à ses enfants mortels un Coffre en leur recommandant bien de ne pas l'ouvrir. Ils désobéirent bien sûr à l'ordre, en croyant y trouver une arme contre les Morts-Vivants de Cendre. Ils libérèrent donc les Titans-Démons qui étaient issus du Dieu banni hors du Cosmos. Les Dieux durent intervenir pour endiguer cette invasion des Titans-Démons.

    La plupart de ces Démons sont désormais enfermés aux Enfers, même si on dit qu'ils n'ont plus de gardiens depuis la Brisure du Monde. L'un d'entre eux est encore prisonnier sur la Lune de Cendre (et serait responsable des pires excès de ce dernier), un autre, Démence, est gelé dans les glaces du Nord.

  • 6 Naissance de la Magie profane : le Songe d'Arcania

  • Cette nuit-là où les Mortels avaient ouvert le Coffre donné par Oonkaas, les Humains oublièrent la Langue des Dieux, qui avait été universelle avant cette date.

    C'est dans cette confusion des Langues qu'un être céleste nommée Arcania, pleine de compassion, se sacrifia pour que les mortels puissent retrouver au moins certains de ces secrets perdus du Verbe Divin. Ce fut ce qu'on appelle depuis la Magie profane car le don d'Arcania ne dépend pas de la législation d'Ekel ou des sacrifices aux autres Dieux. C'est par l'étude et non par la dévotion ou la foi qu'on accroît sa maîtrise de ce domaine.

    Arcania ne communique plus rien, pas même un Oracle. Elle n'est pas morte, elle dort et c'est de son Songe qu'est tissée la Magie. C'est le dieu Ornithalos, Gardien des Rêves et des Savoirs, qui étudie maintenant ces domaines occultes depuis le Sommeil d'Arcania. Les érudits lui rendent donc un culte, plus qu'à Arcania.

    Bien plus tard, certains Mages humains arrogants, qui voulaient supplanter les Dieux, tentèrent de conquérir son Songe pour mieux contrôler toute la Magie profane et c'est cette profanation du sommeil d'Arcania qui déclencha la Brisure du Monde.

  • On peut aussi comparer avec d'autres mythologies fictives de jeu de rôle comme par exemple Mystara, Pelinore ou l'Oeil Noir.
  • Inque tuo sedisti, Sisyphe, saxo

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    Il y a environ un an, Imaginos se demandait s'il avait finalement achevé sa collection de jeu de rôle telle qu'il l'avait conçue des années avant en commençant à l'organiser. Je ne comprenais pas tellement et je me demandais même s'il était possible d'avoir un sens de la mesure tel qu'on puisse se dire qu'on a fini une collection (même si c'est vraiment sur un ensemble fini).

    Et là, je viens de recevoir coup sur coup SpaceQuest de Paul Hume et Legio VII, vieux jeu italien pas terrible mais avec de jolies illustrations de Cadelo, dont je gardais un petit appétit semi-obsessionnel semi-conscient depuis un vieux Jeux & Stratégie et je comprends soudain que la maladie de la collectionnite pourrait bien en effet ne pas être insatiable et aussi infinie que le Tonneau des Danaïdes.

    Le truc qui me travaillait le plus quand j'étais encore jeune était Pavis, la boite de RuneQuest, et je n'ai en fait qu'une réédition moderne mais je ne suis pas du tout puriste au point de vouloir l'original.

    Je commence vraiment à ne plus concevoir ce que je désire encore. Je crois que j'aimerais encore bien trouver les scénarios de FASA pour Thieves'World (Spirit Stones ou Traitor) parce qu'une recension dans un vieux White Dwarf m'intriguait et que j'aurais à peu près tout - au point que cela me rend presque mélancolique car je sais que les jeux plus modernes, quelles que soient leurs qualités, n'engendrent (heureusement ?) plus la même envie, ne serait-ce que parce qu'ils sont disponibles.

    Quand on découvre un jeu de rôle des années après, il y a souvent une petite déception. Non seulement il peut être en dessous de ce qu'on avait fantasmé pendant si longtemps (même si l'inverse arrive aussi, plus souvent qu'on pourrait le croire) mais on regrette presque de ne plus ressentir cette douce inquiétude ou cet aiguillon intime de ne pas le trouver.

    Spartacismes

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    Des notes pour me souvenir de quelques détails que j'ignorais sur la Guerre de sécession (un peu comme sur ce Marshall Silas Soule) :

    1) Certaines tribus indiennes (celles qu'on appelait les Cinq Tribus civilisées qui vivaient dans le sud-est des USA entre le Mississippi et le Tennessee) s'étaient mises à posséder des esclaves comme les colons anglais, surtout certains métis anglo-amérindiens qui avaient introduit l'économie de l'esclavage. Après la purification ethnique de 1830 par le Président Andrew Jackson, ils furent déportés vers l'ouest, vers l'Oklahoma, mais ils développèrent encore ces possessions.



    Voir cet article :

    By 1860, the Cherokees had 4,600 slaves; the Choctaws, 2,344; the Creeks, 1,532; the Chickasaws, 975; and the Seminoles, 500.
    Voir aussi l'article de Wikipedia sur la Révolte des esclaves contre les Cherokee en 1842. Il y eut de nombreux Indiens parmi ces cinq tribus du côté de la Confédération.

    2) Bass Reeves avait 24 ans quand éclata la Guerre civile. Il était né esclave et portait d'ailleurs le nom de famille de son maître mais il s'enfuit après une bagarre avec lui et s'installa dans les territoires indiens de l'Oklahoma. Il apprit plusieurs langues indiennes et c'est ainsi qu'il fut finalement recruté dans les années 1880 comme US Marshall adjoint au Texas, le premier Noir travaillant comme Marshall. Il devint un si célèbre limier qu'il aurait peut-être été le vrai modèle pour le  célèbre héros de western créé en 1933, le "Lone Ranger" masqué (le masque étant peut-être aussi un signe de sa couleur ?).

    3) Le cas de ce Newton Knight est intéressant. Né sans doute vers 1837 dans le Mississippi, il a donc seulement 23 ans aussi comme Bass Reeves quand éclate la Guerre Civile. Dans son cas, l'enjeu social semble bien l'emporter sur le seul problème de l'abolition. Il ne possède pas d'esclaves (même si des membres de sa famille en ont possédé) et va vite déserter de l'Armée sudiste du Mississippi en disant qu'il ne voit pas pourquoi il devrait combattre pour les riches propriétaires (surtout que le Sud dispensait les plus riches de la conscription, sous le prétexte qu'il devait rester à l'arrière pour mieux surveiller leurs plantations, sacrifiant donc en effet les vies des petits cultivateurs pour les intérêts des plus gros). Après sa désertion, Newton Knight va aller plus loin en dirigeant une petite troupe de rebelles contre la Confédération (la Knight Company, avec l'aide de quelques esclaves de la région). Après la défaite du Sud, Knight dut au début se réjouir de l'occupation par les troupes d'Adelbert Ames, qui fut Gouverneur républicain (élu en majorité par les Noirs, tant que les Démocrates sudistes ne retrouvèrent pas leur domination sur le Mississippi en les intimidant). Knight épousa alors Rachel, qui semble avoir été une ancienne esclave, et avec l'arrivée de la Ségrégation et des lois Jim Crow, ses enfants métis devront affronter les discriminations des lois sudistes jusqu'à la fin des dernières lois contre les mariages inter-raciaux un siècle après la Guerre civile. Le film Le Sang de la Terre (1948) romançait en partie sa vie.

    L'identité des chimères

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    Le logicien Quine avait pour adage qu'on ne pouvait pas accepter une entité si on ne pouvait pas lui donner des conditions strictes et rigoureuses sur son identité : si je ne suis même pas sûr qu'elle est encore elle-même, c'est que la notion est trop vague et indéterminée : No entity without identity. C'était un de ses arguments contre les concepts comme le "possible" qu'il jugeait plein de confusion logique.

    Mais il est drôle de voir quasiment le même argument chez Jean-Jacques Rousseau tout à la fin du Contrat social (Livre IV, chapitre 8 "De la religion civile") quand il réfléchit sur les fonctions politiques de la religion (avec la thèse qu'une religion doit soit se limiter à un contenu éthique universel et donc ne pas être politique, soit se réduire à un culte de l'Etat particulier lui-même pour mieux fonder le civisme et le patriotisme, mais ne doit en aucun cas mélanger ces deux possibilités en devenant un culte particulier parallèle et distinct de l'autorité politique qui divise l'unité en factions sectaires).

    La fantaisie qu’eurent les Grecs de retrouver leurs dieux chez les peuples barbares vint de celle qu’ils avaient aussi de se regarder comme les souverains naturels de ces peuples. Mais c’est de nos jours une érudition bien ridicule, que celle qui roule sur l’identité des dieux de diverses nations ; comme si Moloch, Saturne et Chronos pouvaient être le même Dieu ; comme si le Baal des Phéniciens, le Zeus des Grecs et le Jupiter des Latins pouvaient être le même ; comme s’il pouvait rester quelque chose commune à des êtres chimériques portant des noms différents
    La thèse de Rousseau contre notre mythologie comparée et contre des critères d'identité des dieux pourrait s'appeler une sorte de nominalisme mythologique radical : un dieu du polythéisme (en dehors de l'Être suprême des Postulats éthiques du Vicaire savoyard) n'étant qu'une fiction, il n'est qu'un Nom et donc Zeus est autant ou aussi peu Jupiter que Harry Dickson est identique ou différent de Sherlock Holmes...

    Cette thèse me paraît totalement fausse mais je ne m'attendais pas à trouver un tel précédent à la maxime ontique de l'austère Quine dans la pensée théologico-politique du Républicain Rousseau.

    Convention Faerix 22 mars 2014

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    Même si j'ai un âge canonique, je ne suis allé qu'à une seule Convention de jeu de rôle de toute ma vie (les Chimériades - sauf si je compte le Monde du Jeu, mais c'est plus un Salon qu'une "Convention"). Mais demain, je pense me rendre à Faerix, 18e Rencontres Rôlistes de l'X (cela existe donc depuis 1996, c'est ça ?).

    Il y aura par exemple le physicien Roland Lehoucq qui fera de la vulgarisation sur la SF (samedi 13h), Rappar présentera le Giannirateur vers 18h30 et il y a une conférence prévue sur la création d'univers à 20h par David Peyron (auteur d'une thèse de sociologie sur la sous-culture Geek) qui devrait m'intéresser. Je suis assez curieux aussi de voir ce que donnera la nouvelle édition de Shaan, Shaan Renaissance.

    En revanche, je ne pourrai pas voir le lendemain "Philosophie et Fantasy"à 10h (qui met des conférences si tôt un dimanche ?).

    Debriefing de Faerix XVIII

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    Espace
    Faerix est une convention de jeu de rôle impressionnante par les infrastructures. Le campus de Palaiseau pendant le week-end est assez vaste pour qu'on ait l'impression d'être dans une cité frappée d'une bombe à neutrons. (Et je me rends compte de mon âge vénérable et de mon absence de pratique sportive en montant le sentier abrupt de l'Ecole polytechnique vers le plateau)

    Certaines conventions ont des tables trop proches, ce qui rend le jeu un peu trop bruyant alors qu'ici, l'espace est luxueux, on peut obtenir des salles de cours entières pour chaque partie, avec vidéoprojecteur, accès Internet, tableau numérique ou musique. On a un peu l'impression d'être perdu dans un hôtel ou Palais des Congrès abandonné ou d'une taille disproportionnée par rapport à des habitants miniaturisés. Zut, j'aurais dû photographier les tableaux de cours de maths qui utilisent encore la vieille craie.

    Démographie & Economie
    Heureusement, il y a encore de jeunes recrues parmi les promotions (j'ai vu aussi quelques membres d'autres Grandes Ecoles comme Sup'Aero ou l'ENS) sinon je ne pense pas que Faerix pourrait continuer à vivre. C'est particulièrement économique à 3 Euros (alors que les Salons sont souvent à 15 euros).

    Il me semblait qu'il y avait peu de sponsors en dehors de quelques boutiques de jeu comme LudikBazar ou la nouvelle boutique de figurines non-uniquement Games Workshop Waaagh Taverne qui vient d'ouvrir dans le 6e (le déclin du jeu commercial pourrait donc gêner aussi la facilité du jeu non-commercial).

    Je ne pense pas que nous ayons été plus d'une centaine au total mais il faudrait vérifier, et la taille des locaux accentue peut-être une impression de vide.

    Le "ratio de genre" n'était bien sûr pas du tout équilibré, mais ce n'était pas un désastre complet avec quand même peut-être 5% de jeunes filles qui me semblaient être des élèves de l'X (d'après ce rapport, les femmes sont, avec des variations annuelles, environ 15% du total des élèves contre 30% des Math Spé).

    Jeux
    Il y avait plusieurs tables de jeu de plateau mais les salles de jeu de rôle étaient parfois improvisées et ajoutées au programme officiel avec un peu plus de 20 scénarios prévus. 

    Le choix des jeux étaient intéressant : aucun D&D (il y avait eu du Pathfinder encore dans l'édition précédente), aucun Cthulhu ni Vampire (mais il y avait un Changeling), beaucoup de Shadowrun, de nombreux jeux indépendants ou amateurs (dont l'inédit Sophismes & Simulacres, jeu historique sans fantastique sur la naissance de la démocratie athénienne) et bien sûr Exil (comme ce jeu français de 2005 a été créé par des Polytechniciens et sans doute lancé pour la première fois dans le passé de cette Convention). La force de ces jeux indépendants avec un public relativement plus jeune que ce à quoi je m'attendais réfute mon préjugé selon lequel ils attirent plus d'anciens joueurs un peu blasés par les jeux plus conventionnels. Le hasard voulait aussi que la SF se porte mieux que la fantasy, ce qui paraît assez inhabituel.

    Le travail des Organisateurs montre à quel point les 18e rencontres étaient bien huilées pour ce qui est des victuailles (Muffins ou crêpes, sandwichs frais). Certains apportent même une buvette itinérante dans les différentes salles des scénarios. 

    Science & SF
    J'ai vu la conférence du physicien Lehoucq dans l'Amphi Arago sur la SF et j'étais un peu déçu : il expliquait simplement à un public déjà convaincu que la SF peut être n'importe quoi mais qu'elle peut aussi explorer des possibilités physiques en prenant compte de contraintes réalistes, ce qu'il trouve plus intéressant (comme tout scientifique, certes). Mais n'est-ce pas là une définition classique de ce que peut être (ou devrait être) la SF depuis ses origines, si ce Genre a une définition ?
    Il a donc calculé les sauts corrects qu'aurait dû faire John Carter sur Mars (qui devraient être nettement moins spectaculaires sur une planète de gravité 0,36) ou le processus de fonctionnement du Venture Star d'Avatar (en feignant d'ignorer que des consultants d'astronautique avaient dû réellement faire ces calculs et que donc il était assez normal qu'il retombe sur quelque chose de relativement cohérent). Lehoucq (dont j'apprécie beaucoup l'humour et la simplicité) devait s'attendre à ce que le public soit quasiment exclusivement polytechnicien d'après le type de running jokes ("mais cela, je vous l'expliquerai dans le cours d'astrophysique de 3e année, hahaha"). 

    Le Monde de la Révélation

    Comme je suis d'une timidité maladive et déteste jouer avec des gens que je ne connais pas depuis au moins douze ans, je ne m'étais inscrit à rien et me préparais à rester spectateur pendant toute la journée selon mes habitudes, mais Rappar (de PTGPTB) m'a inscrit à Apocalypse World, le jeu indie de Vincent Baker qui vient d'être traduit dans la langue du Grümph (et on vient d'ajouter la version medfan Dungeon World).

    C'était très bien fait et bien adapté au one-shot (le MJ, Bushinone, ayant fait un travail important de préparation pour rendre cela plus facile, avec des fiches résumant les règles ou nos propres capacités). J'aime particulièrement l'idée que ce sont les joueurs qui créent l'univers (y compris d'ailleurs en partie le niveau technologique) au début de la partie, en dehors de quelques prémisses des règles (comme la présence de pouvoirs Psi qui semblaient plus inspirés par ceux de Warhammer 40k avec le Maelstrom Psychique).

    Les mécanismes insistent énormément sur les relations interpersonnelles du groupe, avec l'idée que dans cette situation post-apocalyptique nous devons plus nous adapter à survivre ensemble qu'à savoir simplement manier des outils.

    Sur les règles de combat, j'hésite plus. Je trouve d'habitude que les combats de jeu de rôle durent trop longtemps mais là, l'abstraction (qui permet de simuler de la même manière une bataille entre deux gangs ou un combat singulier) me paraissait un peu excessive, même si cela n'empêche pas de visualiser quand même la scène. 

    Le défaut de la partie est que j'ai donc raté les autres conférences auxquelles je voulais assister comme celle du PTGPTB sur le Giannirateur ou celle sur la création d'univers. J'étais trop crevé pour tenter de rester pour la nuit (qui a plusieurs Murder Parties avec une quarantaine de joueurs, si j'ai bien compris). 

    [Free Comics] Strange Worlds 1-9 (Avon, 1950-1952)

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    Je continue d'explorer le Digital Comic Museum et cherche notamment les histoires dessinées par un de mes artistes favoris, Wally Wood (1927-1981). Son style est parfois très stéréotypé mais j'aime beaucoup l'élégance de ses silhouettes.

    Strange Worlds (publié par Avon, qui tenta plusieurs bandes-dessinées dans les années 1950) n'a hélas pas de comics vraiment excellents (et les scénaristes ne sont presque jamais mentionnés) mais il y a quand même Wally Wood au dessin dans quatre numéros, les 2-5 (avec Frank Frazetta sur le numéro 3), ainsi que du jeune Joe Kubert (1926-2012). Il est dommage que Wally Wood n'y soit pas resté plus longtemps car la qualité des scénarios me semblait avoir tendance à s'améliorer progressivement (mais il est possible que Wood ait écrit certains de ses propres scénarios ?).

    Strange Worlds est une anthologie d'histoires qui peuvent être soit du Space Opera avec des héros interchangeables (pilotes, agents secrets, soldats) qui épousent des filles de savants, soit de l'horreur avec des robots ou des fantômes. Isaac Asimov vient à peine de réunir ses premières histoires sur les robots des années 40 dans I, Robot (1950). Le Space Opera est presque toujours limité à notre système solaire, avec une obsession sur la planète Mars et ses indigènes (qui sont souvent présentés comme des alliés de notre monde).

    Un thème récurrent est le risque d'une Troisième Guerre mondiale, comme dans The Day the Earth Stood Still (la tragédie du Mutant du n°7 The Man Who Fought the World est une rare réussite dans sa morale pacifiste assez surprenante : un Mutant bienveillant tente de nous contraindre à abandonner nos armes atomiques et nous l'exécutons).

    Les histoires sont très courtes (7-8 pages) et ont souvent une conclusion trop précipitée. Il y eut encore quelques numéros après ce #9 (passant directement au #18 parce que le magazine avait absorbé un autre titre) mais le Digital Comic Museum ne les a pas tous scannés.

    Une des découvertes de cette série est Everett Raymond Kinstler (né en 1926), qui vit toujours et fut un célèbre portraitiste réaliste "pompier" (il a notamment été le peintre officiel de Ronald Reagan à la Maison blanche). A cette époque alors qu'il travaille encore dans le studio de comics de Will Eisner, son style est nettement plus exotique et il fait une imitation assez convaincante d'Alex Raymond, surtout dans les tables des matières du magazine qui évoquent les meilleurs artistes des Pulps des années 1930.

    Strange Worlds #1 (novembre 1950)
    Kenton of the Star Patrol: The Corsairs from the Coalsack (8 pages, script : Gardner Fox, art: Joe Kubert)
    (réimprimé aussi dans Out of This World Adventures #2, dec. 1950, pulp de sf qui tentait de concilier textes et comics).
    Dave Kenton, de la Patrouille des Etoiles,  fut le personnage récurrent de ce titre sur plusieurs numéros. Cette histoire commence par une chronologie du futur : En 1962, l'Homme marcha sur la Lune et en 1977 ce fut le tour de Mars, Alpha Centauri un siècle plus tard, et à partir de 3750 - qui doit être le présent - la Fédération s'est répandue dans l'univers. Dans ce premier épisode, Dave Kenton sur la planète Flayal se fait voler son Passeport par une inconnue, Maeve Malloy, journaliste qui veut enquêter sur les mystérieux pirates de la Nébuleuse du Sac de Charbon (j'ignore pourquoi Gardner Fox dit qu'elle vient d'être découverte en 1950, elle est connue depuis bien plus longtemps). Kenton est expulsé de la Patrouille et décide d'aller enquêter lui aussi dans la Nébuleuse pour faire croire aux Pirates qu'il est prêt à passer de leur côté. Il arrive dans leur monde, retrouve Maeve Malloy et s'allie avec la journaliste pour saboter les Pirates (abandonnant donc son plan plus ingénieux de se faire passer pour un traître). Il trouve un moyen de signaler sa position à la Patrouille et est réintégré comme Capitaine.

    Dead Man's Tale (11 pages, Horreur déjà imprimé dans Eerie #1)
    Plagiat de la Peau de Chagrin ou de The Monkey's Paw. Un homme tue un clochard pour lui voler une bouteille indienne qui réalise les voeux quand on en boit une gorgée - mais dont la dernière goutte tue son propriétaire. Il décide de manière ingénieuse de diluer ou synthétiser le précieux liquide magique mais n'échappera pas au destin.

    Crom the Barbarian: The Spider God of Akka (10 pages, script: Gardner Fox, art: John Giunta).
    Crom est une imitation directe de Conan de Howard mais il est blond et Aesir au lieu d'un Cimmérien. Il a une épée nommée Skullcracker ou Skullbiter. Le monde a alors encore deux Lunes mais les dieux que cite Crom sont ceux de la mythologie historique (Thor, Set... son interjection favorite est "Par les Talons de Nessus"). Sa première aventure était dans Out of this World Adventure #1 (juillet 1950). Crom avait suivi sa soeur Lalla, enlevée par les Cymri, hommes-singes servant Dwelf le sorcier sur son île emplie de ses captives. Dwelf le contraint à lui rapporter un philtre de jeunesse venu d'Ophir. A Ophir, Crom enlève la Reine Tanit qui tombe amoureuse de lui. Quand Dwelf boit le philtre, il redevient un nourrisson et Crom repart avec Lalla et Tanit. Crom vainc le roi-singe Rou d'Akka et son Araignée géante, Spraa, puis rétablit Tanit sur son trône contre l'usurpateur Bokris.

    Strange Worlds #2 (avril 1951)
    Crom the Barbarian: The Giant from Beyond (10 pages, script: Gardner Fox, art: John Giunta)
    3e et dernière histoire de Crom (qui s'est coupée sa longue chevelure blonde entre temps). Il descend la rivière Nexus avec les soldats d'Ophir pour affronter les hordes du Géant Balthar et de son alliée la prêtresse Calla. Crom crève les yeux du Géant (cette scène sera décrite par le célèbre psychiatre anti-comics Fredric Wertham comme une obsession des comics pour la castration symbolique).


    The Weapon Out of Time (10 pages, art : Wally Wood)
    Mo-Ra
    Dans la lointaine préhistoire du continent nord-américain (dans l'actuel Wyoming), la princesse Mo-Ra de l'Empire de Kaa tombe amoureuse du roi Ka-Rin d'Anthor qui lui a sauvé la vie. Quand son père, le cruel tyran de Kaa l'emprisonne, Ka-Rin vient la délivrer et déclenche une catastrophe qui détruit Ka (dans ce qui deviendra le Geyser de Yellowstone).

    Une histoire très médiocre mais il y a les dessins de Wally Wood (et l'idée amusante, mais qui ne devait déjà plus être très originale en 1951, que tout le monde chevauche des Smilodons). Wood multiplie les histoires d'heroic fantasy sans jamais construire un univers cohérent.



    Dara of the Vikings (8 pages, auteurs inconnus)
    Deux aviateurs, Ford Robbins et Gene Dorn, se retrouvent échoués près du Groënland et découvrent un monde perdu colonisé par les Vikings. Dara, fille de Druil, les aide contre Cygnar et sa tribu qui veulent la capturer pour obtenir l'Arc d'Or de Rolfe. Grâce aux techniques modernes des aviateurs, Dara pourra vaincre Cygnar. Bien que Ford et Gene décident de rester dans ce monde perdu, Dara n'eut pas d'autres aventures.

    Strange Worlds #3
    Kenton of the Star Patrol: Alien Raiders! (8 pages, Wally Wood)
    Un vaisseau d'une espèce inhumaine formée de silicium, humanoïdes verts à quatre bras, les Flanns, venus d'une lointaine galaxie qu'ils ont quitté il y a des siècles, envahit Pluton et Titan (la série devient plus centrée sur le système solaire que dans le premier épisode). Kenton, qui était sur Marsopolis, se fait passer pour un prisonnier de Titan (oui, encore comme dans le premier épisode) pour infiltrer les Flanns et apprendre leur langue grâce à leurs machines. Il modifie le contrôle de leur environnement pour les faire tous mourir en les transformant en verre - Wally Wood ne fait jamais dans le sentimental dans ses histoires assez lugubres...
    Le nom des envahisseurs, les Flanns, avec cette orthographe a-t-il pu influencer le nom des celto-indiens du monde de Greyhawk ? Probablement une coïncidence comme c'est aussi un nom irlandais.

    The Flame Goddess (7 pages, art : Sid Greene).
    Shelia Vernon réussit à sauver son frère archéologue dans une cité perdue mésoaméricaine en devenant leur Déesse.

    Invasion from the Abyss (7 pages, dessins par les célèbres Al Williamson, Frank Frazetta et Wally Wood !!).
    Steve Hanson, des services secrets de l'ONU, doit lutter contre une invasion de créatures vivant sous la surface de l'Amérique depuis l'époque de l'Atlantide. Il libère des savants humains qui était détenus, dont bien sûr une belle jeune fille, et ensuite l'un d'eux réussit à utiliser un champ magnétique pour maintenir le peuple des Abysses dans leur monde jusqu'à ce qu'une paix soit possible avec le monde de la Surface.
    Wally Wood a des obsessions car on retrouve là certains thèmes déjà vus dans le n°2 mais aussi dans la série qu'il créera plus tard, T.H.U.N.D.E.R Agents, qui a aussi un peuple des profondeurs (Subterraneans) comme principaux adversaires.

    Princess of the Past (9 pages, art: Howard Larsen)
    Suite de l'histoire qui se trouvait dans Slave Girl #1-2. Malu l'esclave et ex-Princesse d'Ormuz, est devenue la Reine de Zankhara en renversant Shala, grâce à Garth. Quand Shala s'enfuit vers les Îles des Druides, Garth et Malu partent les retrouver et vaincre les Jeux mortels des Druides.

    Strange Worlds #4 (septembre 1951)
    The Vampires of the Void (8 pages, Wally Wood)
    La belle Myrza, Reine de Palmoora (Deneb ou α Cygni, 1550 années-lumière) vient envahir notre système pour que les corps humains servent de réservoirs d'énergie vitale. Le Capitaine Dave Kenton est capturé (encore...) et découvre que de simples rayons ultra-violet détruisent les protections des Palmoorans. Il y a toujours un Talon d'Achille comme deus ex machina dans ces histoires.
    Comme la dernière fois, il affirme sans aucun remords qu'il faut éradiquer toute l'espèce des Palmoorans. Wood ne se rendait pas compte de son désir obsessionnel de massacre génocidaire ?

    The Lost Kingdom of Athala (7 pages, Wally Wood)
    Jack Rance et le jeune Tommy utilisent une machine à voyager dans le temps pour aller dans la préhistoire pour retrouver un certain Professeur Gregg qui y est parti depuis quelques années. Ils y trouvent en fait la belle Rhoa, la fille de Gregg, qui est devenue une chef des hommes primitifs. Tommy se fait tuer par les hommes de Ogg et Rance sauve Rhoa avant de repartir avec elle à notre époque.

    A Nation Is Born (7 pages, Rafael Astarita)
    Jac Hartt, secrétaire du Gouverneur de la Lune, découvre un complot martien pour déstabiliser la colonie lunaire. Les Martiens sont ici des sortes de Huns ou Mongols à oreilles pointues, conformément aux clichés orientalistes qui remontent au moins à Buck Rogers. Mais après avoir déjoué ce complot grâce à Lua, une jeune Lunite (qui est en fait la vraie héroïne de cette histoire bizarre), Jac Hartt soutient la cause de certains des indépendantistes qui élisent un nouveau Président de la Lune à la place du Gouverneur terrien, Gino l'époux de la Lunite. Moon is a Harsh Mistress ne sera publié que 15 ans après et le thème de l'indépendance lunaire est donc ici intéressante : l'Amérique se rêve toujours en puissance impériale mais en même temps projette sa propre indépendance sur les autres planètes contre notre propre monde, ce qui change donc le centre du point de vue, la Terre devenant alors le Vieux Monde européen par rapport à cette Nouvelle Frontière.

    The Enchanted Dagger (7 pages, George Tuska?)
    Reprint de Yankee Comics #1, 1941. Roger Chalmers combat les gangs de Washington DC grâce à une dague aux pouvoirs hypnotiques qu'il a trouvée en Afrique (plus tard, on révèle qu'elle peut paralyser sa cible et le forcer à dire la vérité). Il eut d'autres aventures dans l'Âge d'Or et même son propre costume (Yankee Comics #2-4 + Scoop Comics #8) mais pas dans Strange Worlds.

    Strange Worlds #5 (novembre 1951)
    Sirens of Space (8 pages, Wally Wood)
    Maeve Malloy, qu'on n'avait plus vue depuis le premier numéro, appelle le Capitaine Dave Kenton à l'aide et il doit lutter contre les Sirènes de la lune Mimas, des amazones qui peuvent paralyser par des vibrations de leurs chants (oui, comment peuvent-elles passer dans le vide spatial ? ce doit donc être des ondes radio). Kenton les bat tout simplement en se bouchant les oreilles comme Ulysse.
    Le deus ex machina commence à devenir vraiment ridicule pour une histoire de pseudo-SF.

    End of His Service (Norman Nodel)
    C'est bref mais une jolie petite histoire triste qui pourrait sortir du cycle asimovien. Le malheureux robot XL9 connaît à peu près le même sort que Saint Guinefort en étant détruit alors qu'il sauvait sa maîtresse.

    Shining Sands of Death (Ed Goldfarb ?)
    Décidément pas le numéro pour les happy endings. Un trio de savants se miniaturise pour rapporter un cristal d'un météore mais l'expédition finit en tragédie. Ces histoires d'hommes miniaturisés ne sont pas encore si courantes en 51. The Shrinking Man de Richard Matheson n'est publié qu'en 1956, Atom (Ray Palmer) ne sera créé qu'en 1961, Ant-Man (Henry Pym) en 1962, The Fantastic Voyage qu'en 1966.

    The Abduction of Earth
    Dans un lointain futur, en 1980, un savant terrien est capturé par des êtres macrocéphales d'un astéroïde nommé Zelos. Vingt ans après, le même astéroïde revient et enlève la Terre entière en contrôlant sa gravité. John Farl, spécialiste de l'anti-gravité, prend son vaisseau pour enquêter avec son assistant Bud Blake, et il sabote les machines des Zelosiens et de leur chef.

    Strange Worlds #6 (février 1952)
    Kenton of the Star Patrol: The Monster-Men of Space (Everett Raymond Kinstler)
    Maeve Malloy (qui s'habille encore de manière plus sexy qu'avant quand Kinstler la dessine) et le Captain Dave Kenton se font capturer par un Cerveau géant télépathe qui a amassé une armée composée de prisonniers d'espèces diverses qui ont progressivement muté au fil des générations, donnant un assemblage hétéroclite. Kenton découvre qu'un casque de plomb suffit à le protéger de l'influence du Cerveau et détruit son repaire. Oui, c'est presque la même méthode que pour les Sirènes du numéro précédent avec ce casque de plomb à la place de la cire dans les oreilles.

    The Man Who Owned the Earth (Norman Nodel)
    Une histoire assez médiocre sur Talus, tyran qui réussit à unifier la Terre au XXIe siècle par la force et qui se suicide ensuite comme il ne lui reste plus rien à conquérir. Le comic d'horreur a inventé ce genre sans "héros" et à la conclusion moralisante sinistre.

    Maid of the Mist (Sid Check)
    Légende des Senecas sur les Chutes du Niagara. Umpago tombe amoureux d'Amala, princesse des Senecas qui doit être sacrifiée au Manitou. Ils meurent dans les Chutes du Niagara tous les deux plutôt que d'être séparés. Les Senecas modernes racontent d'autres variantes qui nient tout sacrifice.

    Death Claims an Enemy (Everett Raymond Kinstler)
    Le vieux savant Robert Vance est mourant et visite en rêve le plan des Choses Impensées. C'est là qu'attendent les archétypes de toutes les réalisations humaines. Il n'y trouve nulle part le Pacificateur ultime qu'il a cherché à concevoir toute sa vie et comprend donc que son but était vain. Il meurt en ayant conscience que sa vie n'a été qu'un échec. Les années 1950 n'était pas très joyeuses.

    Wrath of the Totem! (Norman Nodel)
    Une brève histoire d'horreur sur un trappeur blanc, beau mais malhonnête qui tente d'abuser d'une tribu de Vancouver et qui finit pris à son propre piège à ours quand l'esprit du Totem Rantah vient les venger. Encore une preuve que les fictions populaires des années 50 arrivaient à prendre le point de vue indien contre le regard colonial. Mais ils sont appelés "siwash" (déformation du français "sauvages"), ce qui est devenu un terme jugé insultant sur la Côte Pacifique.

    Strange Worlds #7 (mai 1952)

    The Space-Gods of Planetoid 50! (Norman Nodel)
    L'astronaute Jon Grant est envoyé, avec son collègue Tim, sur une comète, Planetoid 50, qui contient un gisement d'Alurium radio-actif, qui est devenu une sorte de panacée anti-bactérien. Ils y trouvent une survivante humaine, Mona, qui est traitée comme une déesse par les indigènes Slaans. Quand ils arrivent comme nouveaux Dieux, le prêtre slaan tente d'en profiter pour prendre le pouvoir. Mais le planétoïde est peuplé de bactéries géantes et les Humains finissent par évacuer les Slaans pour détruire la source des maladies. Jon épouse l'ex-déesse Mona.

    Sabotage on Space Station 1 (Norman Nodel)
    La Station spatiale 1 au-dessus de la Terre est gérée comme terrain neutre par les trois espèces de Venus, Terra et Mars. Un agent vénusien tente d'assassiner le chef de la sécurité, le Lieutenant Dav Fallon. Il réunit l'infirmière Kathi, l'ingénieur français Louis De la Salle Devereaux et le Capitaine écossais Clement Rawls pour lutter contre l'invasion par les forces du Commandeur vénusien Slar Kan. Devereaux et Rawls se font tuer mais Fallon atteint la salle des commandes de l'oxygène et asphyxie les rebelles vénusiens au moment où ils allaient se servir de la Station pour bombarder les capitales terriennes.

    The Man Who Fought the World (8 pages)
    Halran Ammo, né de parents irradiés (sa mère était une infirmière prisonnière de guerre à Hiroshima, son père un scientifique) est le premier Mutant. Son corps est fluorescent et il a le pouvoir de se téléporter n'importe où à la vitesse de la lumière. Il décide d'utiliser son pouvoir pour contraindre la planète à mettre fin à sa destruction nucléaire et commence à saboter les Centrales et à menacer des dirigeants, en commençant par le Président français (qui doit être en mai 1952 Vincent Auriol). Avec l'aide de son propre père qui le trahit (et de sa seule amie qui le fait involontairement), le gouvernement le fait finalement arrêter en lui jetant de l'acide dans les yeux et l'exécute en le jetant dans une fournaise. Je ne sais pas si l'histoire a pu inspirer les futurs X-Men créés dix as après mais il y a peut-être une influence de Gladiator de Philip Wylie, où le Surhomme byronien se fait aussi tuer à la fin (mais en étant foudroyé).

    Man-Trap! (4 pages, Becker/Alascia)
    Un playboy qui assassine son oncle se fait prendre par un indice dans une plante carnivore...

    Strange Worlds #8 (août 1952)
    The Metal Murderer! (Harry Lazarus, frère de l'éditeur Leon Lazarus, qui travailla plus tard chez Marvel)
    Une aventure de Jac Lombard, agent secret du Shadow Squad. Cela me fait penser à une histoire à la Scoobidoo où des meurtres semblent accomplis par un Robot. Mais la Première Loi d'Asimov est en fait préservée : c'est un humain qui se fait passer pour un des Robots.

    Death on the Earth-Mars Run! (Everett Kinstler)
    Une histoire à la Flash Gordon (Kinstler imite assez bien Alex Raymond). Le pilote de vaisseau Alan Aldane travaille sur le Star Dust. qui doit faire une navigation entre la Terre et Mars. Les passagers comprennent le riche banquier Robert Santley, sa fille adoptive la belle Valdora (télépathe vénusienne) et Set Grof, savant martien. Une série de meurtres a lieu pendant la traversée et Valdora fait part à Alan Aldane de ses soupçons sur son père adoptif. Mais la vérité est un peu différente de ce qu'elle croit (et Alan Aldane finit en épousant Valdora). La tentative d'une histoire de mystère en SF commence bien mais la résolution est un peu décevante.

    The Abduction of Henry Twigg (Joe Kubert)
    Une histoire humoristique assez réussie. Le dessinateur Joe Kubert semble l'avoir écrite ou a dû mettre au minimum un peu de lui : c'est l'histoire d'un dessinateur très peu charismatique (et qui pourrait être en partie un autoportrait peu flatteur du jeune Joe Kubert qui avait 26 ans en 1952, même si les photos du vrai Joe Kubert le montrent bien plus musclé dans les années 1960). Henry Twigg ne plaît pas aux femmes sur Terre mais se retrouve soudain enlevé dans la Quatrième Dimension, une gynocratie où plusieurs princesses se disputent ses faveurs et où tous les hommes sont jaloux de lui. Mais craintif devant les jalousies violentes qu'il suscite, Henry Twigg s'enfuit pour revenir dans notre univers où il est si insignifiant.

    The Thing on the Broken Balcony! (Alvin Hollingsworth)
    Une histoire de maison hantée avec châtiment, assez traditionnelle en dehors de quelques dessins assez expressifs sur les remords (on dirait presque du Ditko parfois dans l'angoisse). Un représentant de commerce rencontre par hasard sur la route un vieil ami le soir du Nouvel An qui a l'air désespéré. Celui-ci l'invite dans sa vieille maison isolée et lui dit qu'un homme y a jadis tué un inconnu en le jetant de son balcon et que depuis le fantôme de la victime revient chaque Nouvel An sur ce balcon. On comprend qu'il est en réalité l'assassin de son histoire et il tombe du balcon aux douze coups de minuit. Le représentant de commerce, qui était le narrateur, s'enfuit.

    Strange Worlds #9 (novembre 1952)

    Radium Monsters! (Michael Becker ?)
    Le héros est Georg Garron (qu'on voit sur la couverture avec ce casque si étrange). Il est ingénieur dans une compagnie terrienne de Fission nucléaire à Ferrok-Shahn, capitale de Mars, à une époque où les peuples indigènes de Mars et la Terre sont alliés (les Martiens sont ici des humanoïdes verts chauves). On annonce la découverte d'un nouvel astéroïde contenant une dose importante de "radite", plus puissante source d'énergie. Mais alors que la Terre et Mars se préparent à explorer l'astéroïde, Mars est attaquée par des créatures venues de ce rocher : ce sont en réalité des criminels terriens évadés qui se sont enfuis depuis dix ans sur l'astéroïde et ils ont été transformés en monstres mutants (qui ressembleraient à des zombies). Ces ex-Humains ont pris la domination d'une espèce de petits monstres radioactifs qui viennent jeter de petites bombes atomiques sur les Martiens. Garron enverra un missile qui déclenchera une réaction en chaîne dans l'astéroïde.

    Ransom-- One Million Decimars! (Kinstler)
    Mike Gordon est agent secret terrien et doit protéger Nadine Grail, la fille du Président de la Terre à bord du Stardust Queen, en voyage diplomatique vers la Princesse de Venus. Mais pendant le voyage, Anders Zorn, agent vénusien, corrompt certains membres d'équipage pour oganiser une mutinerie. Gordon retrouve la piste de Grail et la sauve des mains du kidnappeur qui demandait d'être payé un million de "décimars".

    World of the Monster Brain! (Syd Shores)
    Un humain est téléporté sur un autre monde par de petits robots (les "Torks") qui servent un cerveau gigantesque (qui ressemble un peu à un Grell de D&D ; oui, ils ont déjà utilisé un autre Cerveau kidnappeur dans le n°6). Il mène une révolte, tue le cerveau et retourne se téléporter sur Terre en tirant une conclusion politique assez démesurée qu'il n'est pas bon que tout soit centralisé avec un seul dirigeant.

    Mystery of Asteroid 9! (Gene Fawcette)
    Jim Fanning, agent du Interplanetary Emergency Bureau, est envoyé sur le Star Queen qui doit aller sur Mars. Plusieurs vaisseaux ont été pillés et des rebelles de Deimos, une des colonies des martiens, cherchent une arme que les Terriens envoient aux Martiens. Fanning joue le rôle d'un passager et s'intéresse à deux jumeaux, les Carsons, enfants d'un célèbre savant disparu. Le fils Carson est assassiné et sa soeur jumelle part du vaisseau vers l'Astéroïde 9 avec Fanning à ses trousses. Ils retrouvent son père, le Professeur Carson. Il avait été enlevé là par le Loup Solitaire, l'agent qui pille les vaisseaux en se servant des armes que le savant avait inventées (le scénario semble oublier les autres armes qui étaient contenues dans le Star Queen). Finalement, ce Loup Solitaire qui travaille pour les rebelles de Deimos s'avère être un autre passager qui semblait n'être qu'un playboy. Fanning le tue et revient sur Terre avec le savant et sa fille. On retrouve un scénario assez proche de Death on the Earth-Mars Run dans le numéro précédent et encore une fois la résolution est moins réussie que la mise en place (et Gene Fawcette ne dessine pas aussi bien qu'Everett Raymond Kinstler).

    [Free Comics] Silver Surfer Infinite

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    Sur le site de Comixology, Silver Surfer Infinite est une sorte de bande-annonce gratuite de la nouvelle série écrite par Dan Slott et dessinée par Mike Allred. Autant dire que si un comic-book est (1) gratuit & (2) écrit par Slott (ou Gillen), vous devriez être traîné devant le Tribunal de La Haye, interné à La Verrière ou une combinaison des précédents si vous ne le téléchargez pas.

    (En revanche, 3,6 euros pour avoir la suite, cela me paraît démesuré si c'est à peu près le même prix pour un fichier que le format papier)

    C'est aussi une publicité pour ce format baptisé "Infinite" et si c'est vraiment ainsi que tous les titres sont adaptés pour la version informatique, c'est très impressionnant, bien plus agréable à lire que les vieux ComicBookReader. Les bulles apparaissent ou disparaissent comme dans une sorte d'animation, ce qui permet d'apprécier mieux encore l'image, et de glisser facilement dans les dialogues.

    Le Surfer est un personnage difficile, peut-être même plus que Superman, en raison de sa distance et du poids de la parabole religieuse. Tous les superhéros sont des métaphores de la Puissance et du Divin mais dans le cas du Surfer, c'est encore plus évident, avec une dimension qui se veut même post-chrétienne puisqu'il a été créé par un Dieu amoral qui dévore les Mondes. Le Surfer fait donc la synthèse du Christ par son sacrifice et de la Révolte prométhéenne en choisissant la cause des Mortels contre son Père, le principe de Prédation cosmique.

    Les fans l'aiment pour sa "noblesse" et pour son rôle central dans la mythologie originelle de l'Univers Marvel aux débuts des Quatre Fantastiques. Le Surfer est le seul personnage dont même Stan Lee a dû avouer que Jack Kirby l'avait créé seul (et n'a jamais réussi à faire aussi bien avec ses Nouveaux Dieux), mais Stan Lee se l'est approprié avec encore plus d'insistance que Spiderman (Lee avait demandé à Marvel, en vain, qu'aucun autre auteur n'ait le droit de le toucher).

    Mais le Surfer n'a jamais eu droit à des histoires très intéressantes, même dans ces vieilles paraboles de Stan Lee qui en fit son Saint Antoine tenté par Mephisto avec des dessins de Buscema. Une exception pourrait être dans l'équipe The Defenders où il devenait un héros plus conventionnel mais aussi plus humain que ce Messie.

    En 1987, Steve Englehart avait tenté d'injecter plus d'humour dans le personnage pour rompre avec le ton trop sublime-grandiose de la série originelle (mais le pathos revint vite quand il fut rappelé que le Surfer avait en fait oublié à quel point il avait collaboré aux génocides cosmiques de Galactus). Mais cela n'avait pas plus fonctionné (même si ce fut un relatif succès avec une longévité d'une douzaine d'années). D'autres scénaristes comme Jim Starlin ou Ron Marz revinrent donc à des recettes de combats cosmiques dont je n'ai gardé aucun souvenir et le Surfer eut d'autres titres plus brefs depuis les années 2000.

    Ici, Dan Slott me semble plutôt revenir à la tentative d'humour déjà tentée par Englehart mais avec plus de subtilité. Il s'inspire directement de Doctor Who (une des transformations des fans américains, en dehors des influences japonaises, est l'internationalisation du héros britannique). Il est ici un héros inhumain mais avec une "ancre" qui est une Compagne humaine normale, Dawn. Dawn est une candide qui ne sait rien du Surfer et elle s'étonne qu'il ait l'air connu de tous dans l'Univers, ce qui rappelle le Docteur (si ce n'est que le Surfer est quasiment omnipotent alors que le Docteur a seulement le Tardis).

    Les blagues où le Surf semble ressembler à Jolly Jumper dans Lucky Luke (alors que je vois plutôt le Surf comme une extension, une sorte d'organe extérieur) montrent bien une rupture dans le ton. La même rupture avait très bien fonctionné sur le Daredevil de Mark Waid ces dernières années, ou les Gardiens de la Galaxie de Abnett & Lanning (le She-Hulk de Dan Slott n'était pas une rupture puisque la série avait toujours été décalée et humoristique depuis John Byrne) mais on peut être plus perplexe ici.

    The Tramp Has Left This Earthly Plane

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    Via Imaginos, David A. Trampier (1954-2014), dessinateur légendaire de nombreuses illustrations d'AD&D (souvent signées de son blason "DAT"), vient de mourir à 59 ans. Il était devenu une Greta Garbo du Hobby après avoir disparu complètement du monde de jeu.

    Il pouvait aller aussi bien dans un style très cartoony et humoristique (son Wormy ressemblait presque à du Vaughn Bodé) ou dans une noirceur sinistre ou gothique et il a été un des éléments essentiels de l'identité du vieux jeu dans les années 1970 (avec le surréalisme psychédélique d'Erol Otus ou le style dymanique de Jeff Dee, avant le style plus uniformisé de Clyde Caldwell ou de Larry Elmore à l'Âge d'Argent des années 1980).

    Akrasia a quelques illustrations célèbres. Un cas particulier, sa célèbre couverture du Players Handbook, avec son Idole Démoniaque (qui rappelle un peu la gueule grimaçante de Pazuzu mais en plus trappu) avait été étudié sur ce blog espagnol.


    J'ignorais la théorie que le guerrier sur cet écran du Maître du Donjon (cliquez dessus pour le voir en entier) pouvait être un auto-portrait. 

    Et même la 3e édition continue d'y rendre hommage : 

    Et voici une scène de son comic Wormy (commencé dans Dragon #9, 1977, brusquement interrompu en 1987) avec une Cité typiquement trampierienne (Toad Town, Dragon #96, avril 1985) : 


    [Free Comics] Space Detective #1-4 (1951-1952)

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    Toujours chez Avon, le même éditeur que Strange Worlds, la brève série Space Detective contient aussi un peu de Wallace Wood (mais le Grand Comic Database m'apprend que c'est plutôt du Joe Orlando encré par Wally Wood et non l'inverse). Ils n'ont en revanche fait que le premier numéro sur 4 et les artistes changent ensuite à chaque fois.

    Les histoires de Space Detective sont très répétitives : toujours en 3 chapitres qui se déroulent soit dans l'espace soit dans une des planètes de notre système solaire, avec à chaque fois une nouvelle espèce indigène et un criminel qui réussit à s'enfuir jusqu'au 3e chapitre. La première histoire en tout cas est attribuée à Walter Gibson (1897-1985), vétéran hyperprolifique des Pulps qui rédigea des centaines d'histoires de The Shadow (24 romans rien que pour l'année 1933).

    Si la série avait continué, ils auraient fini par ne plus avoir de nouvelles planètes disponibles, même s'ils commençaient à passer aux satellites. Le système de Space Detective comprend notamment comme espèces les Salamandres de "Vulcain", les Sylphides des forêts de Mercure, les Gnomes taupes de Jupiter, les Elfes des Fleurs de Ganymède, les Esclavagistes de Saturne et enfin les Néréides de Neptune. Un effort est fait pour que le McGuffin rare du scénario ne soit pas toujours du minerai (platine ou thorium) ou une source d'énergie (il y a des essences de fleurs de Ganymède et des perles marines de Neptune). Le fait que l'esclavage soit toléré dans toute une partie du système n'a l'air de déranger personne (l'esclave saturnienne garde son statut sur Mars).

    Space Detective #1 (juillet 1951)

    Bandits of the Starways (script : Walter Gibson, art : Joe Orlando & Wally Wood)
    Rod Hathway est un millionnaire philanthrope de Great New York (métropole terrienne qui a dû absorber une partie de la Côte Est). Il prend l'identité du "Vengeur" pour lutter contre le crime dans le système solaire du futur (et sa belle secrétaire Dot Kenny prend alors le nom de Teena). Quand le vaisseau Arrow est attaqué par des bandits entre la Terre et Grebhar, capitale de l'Etat Libre de Vénus, Rod Hathway soupçonne aussitôt Set Maag, bandit martien de Ferrok Shan (nom de la capitale de l'Union martienne qu'on retrouvera dans Strange Worlds #9 - il y a un peu de cohérence pour une fois !). Il vient comme le Vengeur voir l'Inspecteur Greer de la Patrouille Interplanétaire et est persuadé que le gang interplanétaire de Set Maag va cibler le Star Queen, en partance pour Ferrok Shan.


    Rod Hathway remarque par son signalement (une de ses jambes est cyborg) que Set Maag s'est déguisé en Sirrah Vendoza, un riche passager vénusien. Set Maag tente de prendre le contrôle du vaisseau avec ses hommes infiltrés mais est déjoué par le Vengeur, avant de s'enfuir vers un Vaisseau pirate invisible.

    The Opium Smugglers of Venus (mêmes auteurs)
    4 ans ont passé depuis l'affaire du Star Queen. Sirrah Vau, de l'Etat Libre de Venus, se plaint que la Terre ne fasse pas assez contre les Trafiquants d'Opium. Le Vengeur, venu à Grebhar, découvre que Sirrah Vau est en fait impliqué dans le trafic, qui est en partie une fausse piste (la drogue est produite sur place) et que la célèbre actrice Serra Venta (rencontrée dans l'épisode précédent) utilise ces narcotiques. Vau (qui n'est autre que Set Maag, le Meurtrier Martien) tue Serra Venta quand elle va commencer à parler au Vengeur et enlève ensuite Teena. Quand le Vengeur les retrouve, Set Maag s'enfuit à nouveau et fait sauter sa base avec une bombe atomique.

    Trail to the Asteroid Hideout
    A Ferrok Shan, le Vengeur interroge en hypnotisant un des hommes des Set Maag, un Nain Martien des Collines qui lui révèle un plan d'attaque des banques de Mars. Mais quand leur vaisseau est capturé par Set Maag vers sa base secrète dans la Ceinture d'Astéroïdes, le Vengeur réussit à inverser la situation en arrêtant enfin son ennemi si fuyant.

    Le reste du magazine a aussi une histoire policière et une page "d'humour".

    Space Detective #2 (novembre 1951)

    Cette fois Wally Wood & Joe Orlando ne dessinent plus que la Couverture et la Table des matières, les auteurs du reste sont inconnus.

    Batwomen of Mercury!
    Les masques d'Halloween de cette année représente la Gargouille, un dangereux criminel évadé (qui est encore pire dans la mutation déformée que Set Maag), et le Vengeur interroge le fabriquant qui est relié à ce vieil ennemi et lui a fabriqué un masque pour mieux se dissimuler. Il apprend que la Gargouille s'est enfui vers la Cité Forestière de Mercure. Là, la Gargouille libère les Femmes-Chauve-Souris, des créatures semi-intelligentes volantes de Mercure. Le Vengeur et Teena reçoivent l'aide d'une ancienne alliée, Ahla, chef de la Patrouille volante des Femmes ailées qui luttent sur Mercure contre les Femmes-Chauves-Souris. Mais quand ils retrouvent le nid de ces dernières dans les Skye Mountains, la Gargouille réussit à s'enfuir.


    The Metal Murderers of Mars!
    Sur Mars, la Gargouille revient en provoquant une révolte des Robots de la planète pour aider son plan de voler la Banque centrale martienne. Il s'enfuit quand le Vengeur lance les robots contre lui et ses hommes.

    Slave-Ship of Saturn!
    La Gargouille s'est alliée à une ancienne esclave de Saturne (ce qui doit être des colonies humaines là-bas, un cliché "orientaliste" sur des principautés du Moyen-Orient qui pratiquent encore l'esclavage et chevauchent des dobermans géants). Ces pirates attaquent des vaisseaux pour enlever la cargaison servile. Le Vengeur semble collaborer avec la police saturnienne pour les récupérer (l'épisode est surtout un prétexte pour que Teena s'habille en esclave et se fasse vendre à un Prince saturnien) mais quand il arrête finalement la Gargouille et son alliée, il en profite pour libérer les prisonnières sur la Terre où elles sont affranchies.

    The Case of the Sub-Sea Bandits (dessiné par HC Kiefer)
    Jac Lombard, des services secrets Shadow Squad de l'an 2000 (qu'on retrouve aussi dans Strange Worlds #8) enquête sur un sous-marin géant en Espagne (dans cette version écrite du temps de Franco, la monarchie n'a jamais été rétablie). C'est vraiment une BD très soporifique.


    Space Detective 3 (février 1952)
    (couverture par Everett Kinstler, sans rapport avec le contenu)

    Pearl Ship of Death (auteurs inconnus)
    Rod Hathway vient d'offrir un collier de perles neptuniennes à Dot/Teena quand ils reçoivent pour mission de protéger une cargaison de perles neptuniennes dans le vaisseau Star Arrow, qui va de la Terre à Grebhar sur Venus. Ils sont attaqués par des bandits des collines neptuniennes (c'est un des clichés de la série : les gangs recrutent toujours dans les collines de chaque planète). Ils rencontrent le Caméléon, maître du déguisement (mais tous les autres adversaires du Vengeur avaient tous ce talent), et sa troupe composée de Xaga, une Femme-Taupe de Jupiter (qui ont des antennes), et de Nereid, une Neptunienne. Teena propose de danser avec eux pour les surveiller et quand Nereid tente de l'avertir d'un complot du Caméléon pour voler la cargaison de perles, le Vengeur réussit à le faire s'enfuir vers son vaisseau invisible qui suivait le Star Arrow.

    Sea Nymphs of Neptune
    Le Vengeur et Teena vont sur Neptune à l'appel de Nereid. Le Caméléon a pris une identité d'un chef des Chasseurs de Perles et a enlevé la soeur de Nereid. Le Vengeur doit affronter des Octo-Monstres, céphalopodes neptuniens.

    Mole Woman of Jupiter
    Le Vengeur vient sur Jupiter pour arrêter Xanga, qui a poussé les Hommes-Taupes primitifs de Jupiter à attaquer les villages des Montagnes pour voler les minerais rares. Ils arrêtent enfin Xanga la Jovienne et le Caméléon (exactement comme ils avaient arrêté la Pirate saturnienne et la Gargouille...). Teena se sert notamment d'un onguent qui lui permet de résister au feu.

    Revolt of the Robots!
    En l'an 2000, un certain Targan apparaît dans le Nevada et se fait engager dans des mines où il commence progressivement un processus de robotisation du travail. Les ouvriers humains finissent par manifester contre la suppression de leurs emplois mais Targan tente alors un soulèvement des robots. Quand il est vaincu par le fils du patron de la mine (les comics américains ont quand même plus tendance que nos BD à prendre un héros qui est du côté des patrons), on découvre que ce mystérieux Targan était en fait un robot venu du XXIVe siècle dans une machine à voyager dans le Temps. Oui, ce Terminator n'avait rien trouvé de mieux dans son projet anti-humain que d'infiltrer d'abord une mine perdue dans le Névada...

    Space Detective #4 (juillet 1952)

    Space Ship of the Dead (dessins de Gene Fawcette)
    L'Homme-Bête est un tueur en série au visage de Troll simiesque qui assassine uniquement des personnes belles pour les voler (mais il simule en partie sa folie). Il s'évade de son asile et tente d'assassiner Dot avec un parfum de Ganymède. Le Vengeur et Teena vont vers le Star Queen (j'ai l'impression qu'il n'y a que deux vaisseaux dans tout ce système solaire...) qui doit justement apporter sur Venus une cargaison précieuse de parfums rares de Ganymède (qui valent des millions de "décimars", monnaie aussi utilisée dans une histoire de Strange Worlds #9 en novembre 1952, dommage que les noms des scénaristes ne soient pas connus). Les agents de l'Homme-Bête utilisent un procédé qui les transforment en Squelettes translucides (sans qu'on comprenne bien l'intérêt en dehors du graphisme). Le Vengeur sauve la cargaison contre l'Homme-Bête et son associée, Vola la Vulcanienne (oui, dans le système solaire de Space Detective, cette planète hypothétique du XIXe siècle entre le Soleil et Mercure existe vraiment).

    Attack of the Wasp Women
    Fay, une des petites Elfes  des Fleurs de Ganymède (qui a l'air de ne pas faire plus que 60cm ?), appelle le Vengeur à l'aide contre les assauts des Femmes-Guêpes qui leur volent les essences des Fleurs. Elles travaillent bien sûr pour l'Homme-Bête et Vola de Vulcain. Mmmh... un Troll qui fait travailler des femmes-guêpes contre des Pixies ou des Elfes. On est vraiment sur Glorantha.


    Flame Women of Vulcan
    Des Femmes de Flammes des profondeurs attaquent les mines de thorium de Vulcain (le principal fuel du système solaire). Munies d'un rayon de lumière noire pour se rendre invisibles, le Vengeur et Teena enquêtent dans la Mine. Les Femmes de Flammes sont manipulées par Vola qui utilise un trucage pour se faire passer pour l'une d'elles. L'affaire se termine mal pour les deux criminels qui brulent dans une explosion.

    Cargo from Mars (art : Gerald McCann)
    George La Grange, agent du service d'Immigration terrien, enquête sur un réseau de passeurs criminels qui fait venir sur Terre par une station du Pôle nord des fugitifs humains de Mars mais aussi des sauvages clandestins indigènes des Grottes Brunes de Mars. Il n'est jamais expliqué clairement pourquoi ce contrôle de l'immigration martienne est si important et l'histoire est particulièrement bizarre (comme le fait que les agents de ce réseau n'ont rien trouvé comme signe d'identification que de graver des signes dans le bras).

    Hillfolk et le DramaSystem, premières impressions

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    Hillfolk est un jeu de rôle de Robin Laws sorti en 2013, avec une souscription Kickstarter, et qui se veut un changement significatif du modèle du jeu. Le monde proposé (tribus des collines du Proche Orient au début de l'Âge de Fer) n'est pas ici l'essentiel et d'ailleurs Laws a inclu des "pitchs" de 30 autres auteurs pour jouer dans des douzaines d'univers à partir du même système de règles baptisé DRAMASYSTEM. Je vais donc pour une fois parler plus de système que de contexte d'arrière-fond.

    La Pluralité des Jeux de Langage
    Robin Laws est un des meilleurs designers de jeu de rôle parce qu'il a réfléchi plus que d'autres aux contraintes et limites des types de jeu. Cela l'a conduit à créer des jeux très opposés. Son Feng Shui (1996) devait pousser à simuler les films d'action de Hong Kong, Heroquest (2000) était le comble du jeu "narrativiste", se tournant plus vers un héros épique inséré dans toute une société, alors que son Rune (2001), par exemple, était un jeu qui allait très loin dans le ludisme (avec l'idée que les jeux de rôle sont souvent écrits plus pour les MJ que pour les joueurs : au contraire Rune visait un joueur un peu "tacticien" qui voulait "gagner" et affronter des défis sans s'intéresser à un monde d'arrière-fond aussi complexe que dans Heroquest). Sur le Grand Modèle LNS (Ludisme/Narrativisme/Simulationnisme), voir notamment le dossier traduit de Ron Edwards sur Places to Go, People to Be. Puis Robin Laws créa le système Skullduggery (pour Dying Earth RPG 2000), centré sur les négociations entre personnages et intrigues, puis le système Gumshoe (pour Trail of Cthulhu 2008), fait pour simuler plus les enquêtes que les combats en insistant plus sur l'acquisition d'informations pertinentes.

    J'ai déjà exprimé mes réserves sur le système de Gumshoe (même si j'aime beaucoup la version superhéros de Mutant City Blues ou la science-fiction de Ashen Stars) : parfois un système bien adapté pour représenter des conventions formelles d'un genre narratif sans prétendre simuler quoi que ce soit de "réaliste" peuvent au contraire trop rappeler que ce sont des outils ludiques artificiels et abstraits et donc encore plus faire sortir du jeu (ce qu'on appelle parfois faire du "méta-jeu").

    Mais j'admets que c'est (1) une question de goût et (2) une question d'habitude (si j'avais plus d'expérience des Story Games actuels, je finirais par perdre mes réflexes simulationnistes où j'attends un peu d'immersion et le moins de "mécanismes dissociés").

    Procédural / Dramatique
    Le DramaSystem de Hillfolk est un pas de plus dans la représentation des interactions entre personnages par rapport à celui des intrigues de Skullduggery puisque la confrontation entre personnes est explicitement le coeur du jeu. Les jeux de rôle se sont historiquement centrés sur une opposition entre les personnages des joueurs et LE MONDE (monstres, pièges, obstacles externes - ce que Robin Laws appelle "scènes procédurales") alors qu'ici c'est secondaire par rapport aux interactions entre les personnages autour d'enjeux qui sont souvent plus émotionnels que concrets : obtenir quelque chose de quelqu'un, gagner la confiance, le faire changer son opinion, l'intimider, l'humilier, l'insulter ou le séduire (scènes dites "dramatiques" - mon modèle en tête de scène "dramatique" en ce sens est Richard III, Acte I, scène 2 quand le Duc de Gloucester arrive non seulement à séduire Anne Neville mais en plus au moment même où elle est écoeurée et horrifiée qu'il ait tué son mari). La scène procédurale n'a plus dans ce type de jeu le plus souvent qu'une fonction secondaire pour renforcer ensuite une scène dramatique, acquérir un moyen pour mieux faire pression sur un autre personnage.

    (Le mot drama en anglais a gardé des connotations différentes du drame en français, à la fois plus générales, celui de représentation théâtrale quelle qu'elle soit, comme dans le sens grec originel, mais aussi, dans l'usage courant, plus restreintes et finalement plus proches de ce que nous appelerions plutôt le mélodrame dans l'exagération du pathos.)

    Le problème est donc de savoir comment pousser un joueur à laisser céder son personnage sur ce genre de disputes dramatiques là où lui, le joueur, n'aurait aucune raison de céder. Laws se sert donc de ressources limitées qui sont appelées les Jetons de Drame (drama tokens) : si je refuse de céder dans cette scène, je perds des possibilités de résister dans une scène future. Ce genre de ressources n'a pas de sens à l'intérieur de la réalité mais doit contraindre le joueur à mieux endosser le rythme d'un jeu "dramatique" où je ne dois pas toujours gagner et où toute interaction est une étape.

    Laws fait aussi la synthèse de plusieurs de ses idées antérieures. Dans Rune, le pouvoir du Meneur de Jeu était limité : il avait une ressource finie d'adversaires contre les joueurs puisque c'était clairement un jeu agonistique entre les joueurs contre le MJ. Ici, le pouvoir du MJ est aussi limité mais dans un but opposé de celui de Rune, pour que les interactions entre les personnages-joueurs comptent plus que ces adversaires externes du MJ.


  • (I) Créer les Personnages (p. 8-19)
    Les personnages-joueurs sont créés ensemble comme un groupe mais les joueurs tirent un ordre de priorité pour que chaque joueur doive s'insérer dans ce qui a été établi par les joueurs précédents (notamment le rôle dans le groupe, les Relations familiales ou sociales entre les personnages).

    Chaque joueur a un Désir fondamental comme d'être aimé ou de trouver l'approbation du groupe, de se faire pardonner ou au contraire de se faire châtier. Ce Désir doit être plus fondé sur des émotions intérieures que sur un McGuffin extérieur (donc plus "prouver à Papa qu'il devrait quitter le Côté obscur" que "Détruire l'Etoile de la Mort"). Les deux Pôles dramatiques représente un conflit intérieur à résoudre entre deux tendances opposées que le joueur choisit lui-même (comme honneur/amour, chasteté/luxure, pouvoir personnel/vertu morale, famille/profession, indépendance/respect social, etc.).  Et enfin, chaque personnage a aussi une demande plus individualisée vis-à-vis de plusieurs autres personnages avec lesquel il est en relation, et ce qui doit définir son "arc narratif" ("Mon histoire est celle d'un jeune homme qui va monter à la capitale pour prouver à tous qu'il est un grand artiste").

    Enfin, chaque personnage reçoit deux types d'actions où il a un point fort et deux où il a un point faible parmi les 7 types d'action à préciser (parmi Endurer, Combattre, Connaître, Fabriquer, Se Mouvoir, Discuter, Dissimuler).

  • (II) Mise en place des Episodes (p. 20-21)

    Chaque Episode a un Thème qui noue ensemble plusieurs Scènes. Le MJ donne à nouveau un Ordre de Priorité des joueurs pour déterminer l'ordre des scènes et le premier joueur choisit aussi le Thème unificateur de l'épisode suivant.

  • (III) Les Scènes (p. 22-48)

    Chaque joueur à tour de rôle va lancer une scène avec un lieu, une situation et certains des autres personnages (un personnage peut y être un PNJ du MJ, à condition qu'il soit un PNJ important, mais il doit y avoir au moins un PJ). La scène ne doit pas être une simple redite ou correction d'une scène déjà jouée. Mais en cas de conflits entre les joueurs sur la scène, il est possible de faire voter tous les joueurs pour déterminer si le joueur peut la maintenir. On commence le premier épisode avec 0 Jeton de Drame mais avec 3 Jetons d'Action procédurale (de trois couleurs différentes). Chacun peut dépenser un Jeton de Drame soit pour esquiver d'être présent ou au contraire pour s'imposer dans la distribution de la scène (le joueur qui déclenche la scène a alors aussi le droit de faire une surenchère et de dépenser un Jeton pour éviter cette intrusion). On peut aussi décider d'une ellipse entre les scènes.

    Il y a donc deux types de Scènes : dramatiques (p. 26- 36) ou procédurales (p. 36 - 47), qui utilisent des règles différentes et des types de Pions différents (bleus pour les Jetons de Drame, par exemple, vert, orange, rouge pour les Jetons d'Action procédurale).

    La Scène dramatique distingue un Demandeur (qui attend une récompense émotionnelle) et un Donateur (qui a le pouvoir d'accorder ou non une requête du Demandeur). A la fin de l'interaction verbale et des arguments, si le Donateur cède, il gagneun Jeton de Drame soit du Demandeur (s'il en avait), soit de la Pioche. Si le Donateur refuse, c'est le Demandeur qui gagne un Jeton de Drame soit du Donateur (s'il en avait), soit de la Pioche. En cas de refus, le Demandeur peut forcer par une surenchère en payant au Donateur 2 Jetons au lieu d'un et le Donateur a encore la possibilité de résister en payant au Demandeur 3 Jetons (maximum). D'autres personnages présents dans cette Scène peuvent soutenir par leurs propres Pions de Drame l'un des deux camps.

    La Scène procédurale oppose certains PJ et des adversaires ou obstacles déterminés par le MJ. Cet autre système utilise les types de Pions d'Action procédurale et un paquet de jeu de cartes (Laws explique que c'était pour contraindre le joueur à sortir d'une habitude de quantification simulationniste) . Chaque joueur reçoit au départ 1 Jeton vert (qui permet de tirer deux cartes), 1 Jeton orange (qui permet de tirer une seule carte) et 1 Jeton rouge (qui permet de tirer quand même une carte mais permet aussi au MJ de rejeter une carte du groupe). Ces Jetons d'Action procédurale se rechargent tous quand ils sont épuisés tous les trois. Le MJ aussi reçoit trois jetons de couleurs différentes pour les adversaires des personnages-joueurs : Vert (Opposition forte), Orange (Opposition modérée), Rouge (Opposition faible). Le MJ tire une carte qu'il montre aux joueurs et les personnages présents dans la Scène obtiennent leurs cartes selon le Pion d'action procédurale qu'ils dépensent.  Une Opposition faible est battue si les PJ ont obtenu au moins la couleur rouge ou noire de la carte d'origine (50% sur une seule carte), une Opposition modérée est battue s'ils ont obtenu la forme précise de couleur (trèfles, piques, carreaux, coeur, 25% sur une seule carte), une Opposition forte est battue s'ils ont obtenu la Figure précise d'origine dans leur tirage indépendamment de la couleur (donc seulement 7,7% sur un paquet de 52 cartes si on ne tire qu'une seule carte). Si les PJ échouent dans leur action, le MJ détermine ensuite les conséquences à payer.

    On remarque que dans ce système de résolution de base, les niveaux des sept types d'action (Faible, Modéré, Fort) n'entre pas encore en jeu. Ce n'est qu'avec les Règles optionnelles que je n'ai pas encore lues qu'on en prend compte. Voir notamment Kalysto (bien plus au courant des jeux indies) qui détaille l'analyse des scènes procédurales et propose même des amendements.

  • Récompenses
    A la fin de chaque Episode, les joueurs doivent expliquer en quoi ils ont contribué au Thème par leurs propres Pôles. Les joueurs et le MJ votent ensuite en ordonnant chacun des joueurs : 1 point pour le meilleur, 2 pour le second etc. On additionne les votes et on soustrait pour chacun le nombre de Jetons de Drame qui lui restait. Le gagnant est celui qui a le score final le plus faible et il reçoit un "Atout" (en anglais un Bennie) qui lui permettra dans une autre partie de le dépenser pour divers gains possibles (comme par exemple le changer en un Jeton de Drame ou bien en un Jeton d'Action procédurale, ou changer l'ordre de Priorité).

  • Le reste du livre
    Pour l'instant, je ne vais pas analyser les conseils de jeu ou le cadre spécifique du Peuple des Collines du Levant (p. 66-77). Le point le plus important est qu'on joue dans un cadre semi-réaliste, sans aucune magie, pour pousser les joueurs à abandonner l'idée qu'ils doivent avoir des superpouvoirs pour affronter des scènes avant tout procédurales. Le niveau primitif, avec très peu de ressources matérielles, accentue encore cette dépendance sur les relations interpersonnelles. Laws conseille donc vraiment de tester le jeu avec ce contexte avant de varier.

    Un des aspects les plus intéressants du livret est en effet la liste des 30 autres brefs cadres proposés par d'autres collaborateurs de Robin Laws (près de 150 pages, p. 78-229, mon favori est, je crois, Dreamspacede Keith Baker, p. 211-214, où on joue, comme dans une sorte de série de science-fiction, l'équipage d'un Onironef défectueux, l'Endymion, voyageant à travers le Plan des Rêves).


  • Premières critiques subjectives

    Il y a eu quelques critiques intéressantes de Hillfolk et du DramaSystem. Celui-ci exprime certains de mes propres doutes sur le risque d'un méta-jeu dans chacun des deux systèmes, dramatique ou procédural. Pour le Drame, un joueur avec ses 2 Pions de drame peut donc contraindre quelqu'un à accepter un résultat et à l'inverse un joueur qui n'a plus qu'un Pion rouge d'Action ne sert plus qu'à nuire au groupe pour l'action qu'il utilisera. Donc même s'il est un joueur honnête, il a des chances de ne pas intervenir ou d'être dans l'attentisme jusqu'à une action peu significative pour se débarrasser de son Pion d'action rouge.

    Lowell Francis est beaucoup plus positif sur son site et dit avoir été converti par ce système "dramatique".
    Robin Laws lui-même mentionne des risques de "system gaming" (p. 37) mais les écarte en disant qu'il suffit de bien vouloir jouer sans trop de mauvaise foi (en gros, si vos joueurs abusent du système, ils n'ont qu'à jouer à autre chose qu'au jeu de rôle et après tout on ne peut rien faire contre des tricheurs qui font de l'anti-jeu").

    Pour l'instant, après une première lecture rapide, malgré la qualité de certains des contextes proposés, je ne suis pas encore convaincu. Je reconnais que c'est en partie à cause d'un relatif  "conservatisme" ludique de ma part comme j'ai très peu essayé les créations indépendantes de ces dernières années (et mon essai de Breaking the Ice ne fut pas complètement concluant).

    Robin Laws dans ses conseils parle (p. 60 "Les Immersionnistes confrontent leur Zone de Confort") de certaines difficultés d'appréhension. Le problème ne paraît pas vraiment d'apprendre à penser comme des auteurs de la scène et non plus seulement des personnages (des jeux plus anciens des années 1980 comme Ars Magica ou même des jeux de superhéros depuis DC Heroes et son système de sous-intrigues personnelles nous ont déjà habitués à faire cela).

    Non, le problème dans mon cas (qui n'ai pas tellement aimé les essais sur Castle Falkenstein et n'ai jamais essayé Deadlands) est plus lié aux accessoires extérieurs, de passer des dés (qu'on a appris à oublier comme une sorte de représentation de l'adversité du Monde) à ces ressources de jeux de société, des jetons (qu'on peut certes considérer simplement comme des points d'action) et des cartes à jouer (qui me semblent toujours impliquer trop de distance avec le récit).

    En un sens, c'est un peu mystérieux. Il est normal qu'un jeu de rôle soit un jeu et j'ai donc pour l'instant un peu de mal à rationaliser (en dehors des habitudes) pourquoi ces systèmes qui doivent pousser le joueur à faire du Drame interpersonnel me paraissent au contraire trop abstraits. En un sens, même le système d'enchères des Points d'Action de Heroquest qui est censé être le jeu narrativiste par excellence, me faisait parfois trop sortir de l'immersion dans l'histoire en me donnant l'impression de compter des ressources symboliques dans un jeu de plateau - au point que j'avais toujours une impression de légère déception dès que le système allait faire intrusion dans une confrontation un peu longue. 

    Mais Laws assure que ce n'est qu'en cours de jeu que ce genre de réticences des joueurs traditionalistes sont peu à peu surmontées et que graduellement l'appui sur les scènes procédurales commence à décroître par rapport aux scènes dramatiques qui sont mieux intériorisées. 

    Les 30 Contextes de base pour le DramaSystem

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    Comme je l'ai mentionné hier, Hillfolk a un contexte par défaut (décrit en quelques pages assez habiles sur le Levant archaïque de l'Âge de Bronze) mais ils ont ajouté 30 autres contextes résumés à chaque fois en 4 pages par des auteurs différents.

    Je vais à chaque fois donner une Note subjective reflétant plus mes propres désirs que la qualité du prototype : A (j'ai envie d'essayer) B (Pourquoi pas ? Bof) C (Non).

    Hollywoodland (Jason Morningstar) A
    Un de mes favoris car les personnages sont à la fois assez connus et en même temps mystérieux : les débuts du cinéma à Hollywood en 1914, où on peut jouer les premiers producteurs, réalisateurs ou les premières stars autour de Lillian Gish, Mary Pickford ou Charlie Chaplin (zut, Douglas Fairbanks n'arrive que l'année suivante). Je vois immédiatement comment ce cadre s'offre très bien à des tentatives de pressions pour réussir à produire un film ou bien renégocier un contrat. En revanche, il faudrait plus de supports visuels pour une telle série.

    Mad Scientists Anonymous (Michelle Nephew) A
    Un asile psychiatrique spécialisé sur les Savants fous et les joueurs interprètent les internés et leurs intrigues. Un mélange intéressant de Vol au-dessus d'un nid de coucou et de Dr Mabuse, Lex Luthor ou Dr Horrible. Les joueurs doivent aussi décider qui est le vrai organisateur de cet asile (la CIA ? un autre Savant fou ?).

    Moscow Station (Kenneth Hite) B
    Je serait très curieux de jouer des espions dans un cadre réaliste à la John LeCarré (ici, la base de la CIA à Moscou dans les années 1970 en plein sous la reglaciation brejnevienne) mais je ne vois pas bien en quoi cela s'ouvre particulièrement aux types de négociations émotionnelles du DramaSystem. Ne serait-ce pas plutôt pour Gumshoe ?

    World War 2.1 (Matt Forbeck) B
    Des voyageurs dans le temps bloqués à Paris au moment de la Chute de la France en 1940 vont aider la Résistance naissante avec leurs connaissances anachroniques ou bien tenter de trouver un moyen de fuir cette période. Le cadre de la Résistance est une bonne idée pour un drame interne. Mais les joueurs doivent aussi décider les Lois du Temps : les paradoxes sont-ils vraiment possibles ou bien les personnages vont-ils faire face à une fatalité inévitable. Je crois que je le préférerais dans le contexte plus exotique de Brigade ci-dessous en Espagne à la place de la France.

    Malice Tarn (T. S. Luikart) B
    On joue des Lapins dans le Grand Terrier, donc une sorte de Bunnies & Burrows comme dans Watership Down, mais plus fondé sur les dialogues de Tricksters que sur le seul thème de la Survie.

    Inhuman Desires (Jason L Blair) C
    En gros, du Stephenie Meyer ou de la fanfic World of Darkness, on joue des vampires amoureux de loups-garous ou des fantômes amoureux de changelins. Non.

    Brigade (Chris Pramas) A
    En 1936, on joue des membres des Brigades Internationales en pleine Guerre d'Espagne. Le contexte me paraît excellent pour la juste distance entre familiarité et exotisme ou bien pour la probabilité de mélodrame interne. Je crois qu'on pourrait aussi un peu diluer le thème réaliste avec WW2.1 ci-dessus.

    Colony Wars (Emily Care Boss) C
    Des colons de planètes proches à l'époque de la colonisation du Système solaire doivent choisir s'ils vont tenter une guerre d'indépendance vis-à-vis d'une corporation terrienne. Mais ils sont aussi divisés par leurs origines diverses avant de créer une nouvelle Nation.

    Mafia Century (Rob Wieland) C
    Interpréter l'histoire d'une dynastie de la Mafia comme les Corleone du Godfather pendant tout le XXe siècle, de la Prohibition à nos jours. Là, je vois très bien le lien avec le système mais le thème ne m'intéresse pas du tout.

    4 Motion (Steven Long) B
    Les personnages sont des dignitaires aztèques qui vont assister à la Conquête espagnole et à l'effondrement de leur univers. Difficile à improviser sans documentation plus abondante sur les Aztèques.

    Deadweight (Eddy Webb) C
    Une petite organisation de catch professionnel et ses problèmes. Original mais cela ne m'attire pas du tout, il faut vraiment s'intéresser à ce genre de spectacles, j'imagine.

    The White Dog Runs at Night (Jesse Bullington) C
    Une famille de bouilleurs de cru, distillateurs clandestins (moonshiners) et trafiquants d'alcools (bootleggers) dans les années 1920 au fond des USA. Légèrement plus attirant que le précédent sur le catch, et j'arrive à imaginer quelques histoires distrayantes dans un genre de l'ironie des Frères Coen mais... bof.

    Henchmen (Gene Ha and Art Lyon) C
    Tiens, c'est c-écrit par le dessinateur de l'excellent Top Ten ! On joue un gang d'humains normaux servant un supervilain (à créer) dans un univers de comic book. Je préfère vraiment l'idée de l'asile pour savants fous plus haut.

    Battle Of Wits (James Wallis) B
    On joue des cabales d'écrivains à Londres au milieu du XVIIIe siècle autour des plus grands ironistes de la littérature comme Jonathan Swift ou Samuel Johnson. Intéressant (Wallis est aussi l'auteur du jeu Münchhausen et il a l'air de recycler un peu son époque favorite) mais intimidant : j'aurais du mal à rivaliser avec la vraie Verve & l'Esprit de tels Scribes historiques. On pourrait plutôt l'adapter dans la direction du film Ridicule mais cela resterait difficile.

    The Whateleys (Chris Lackey) C
    On joue une famille dont le noir secret est qu'ils sont des Cultistes de Dieux Anciens du Mythe de Cthulhu. Oh, je commence à ne plus supporter l'omniprésence de Lovecraft dans ce hobby (mais je dois reconnaître qu'au moins là, on joue les Cultistes)...

    Horns in the Hill (John Scott Tynes) C
    Vous jouez des fourmis guerrières dans une fourmilière d'Amérique du Sud. Soudain des zombies attaquent. Autant je comprenais la possibilité avec des lapins intelligents mais là... Il faut peut-être avoir lu du Bernard Werber ?

    Tesseract, WY (Ryan Macklin) C
    Du Cyberpunk un peu remanié puisqu'on utilise une ville-champignon du Wyoming à la place d'une métropole habituelle un peu exotique comme Tokyo ou Shanghai. On mélange donc les tropes de la Mégalopole du Futur avec celle du show sur un village provincial comme Picket Fences ou plutôt comme Eureka. La petite ville du Wyoming abrite en effet la découverte d'une invention géniale de téléportation et est soudain devenue la capitale technologique de la planète. Vous jouez des immigrés pauvres (qui peuvent venir de partout, notamment de Chine, qui est la Superpuissance mondiale) dans ce lieu étrange qui était encore récemment provincial et qui a maintenant des Portails menant au monde entier. Malgré ce cosmopolitisme soudain, cela reste trop américanocentrique pour moi (et je n'imagine pas trop de le transplanter non plus en "Hypercube, Lozère" ou "Cosmosophia-Antipolis" sans devenir ridicule, c'est un peu intraduisible).

    Pyrates (Graeme Davis) B
    Tout est dans le titre, des Pirates britanniques des Caraïbes à la fin du XVIIe siècle, mais Davis (l'auteur de GURPS Viking et ancien historien) a quand même quelques bonnes idées de scénarios ajoutés pour relancer l'intérêt de ce thème archi-classique (par exemple la paranoia après la Chasse aux Sorcières). Et un navire est un bon lieu clos pour ce genre de jeu.

    Shakespeare, VA (Dave Gross) B
    Un village de Virginie entièrement centré sur son Festival de théâtre shakespearien et les intrigues entre divers acteurs ou lettrés. Gross (qui abandonne là ses romans de fantasy) a grandi en Virginie et on sent donc une affection pour ces ploucs du Sud qui n'en reste pas aux clichés. J'adorerais regarder une telle série mais j'aurais du mal à y jouer, je pense.

    Bots (Allen Varney) B
    On joue des petits robots dans une vaste cité robotique après l'extinction du Genre humain. Les "Rouillés" comme les PJ sont le prolétariat robotique dans la cité de Bobo et ils dépendent d'un système d'échanges de bons procédés. Pas très intuitif.

    Under Hollow Hills (Meguey Baker) B
    Vous êtes des membres de la Cour des Êtres féériques. Là aussi, le thème est bien choisi pour le jeu mais il est quand même un peu rebattu ou devenu assez traditionnel.

    First Contact (Sarah Newton) B
    Vous êtes une équipe d'astronautes qui revient de Mars après un événement étrange qui semble vous avoir laissés tous amnésiques. Que s'est-il vraiment passé et pourquoi un astronaute manque-t-il ? Qu'est-ce que ce Dome ? Oui, on a déjà vu ce genre de série TV ces dernières années. Désolé, mais si j'avais envie de jouer cela, cela devrait être plus une investigation que du dramatique.

    Clockwork Revolver (Kevin Kulp) C
    Du Western, mais avec du steampunk. Ma sympathie pour le second Genre est largement compensée par ma phobie pour le premier (quel que soit le charme luckylukien de Wild, Wild West).

    By This Axe (Mac Sample) A
    Le Grand Chef des Orcs vient de mourir et vous êtes tous un héritier potentiel d'une des cinq clans (avec la complication que chaque clan cache un secret aux autres : le clan des Steppes commerce avec les autres peuples, le clan des Plaines s'est mis à l'agriculture, le Clan du Fleuve a développé l'art de la forge, le Clan du Marais s'est urbanisé dans des ruines et le Clan de l'Eau salé a développé la magie). Le scénario le plus fantasy devrait être le plus cliché et pourtant je le trouve en fait plus intéressant que celui de Hillfolk dans le même genre (mais c'est peut-être un reflet de mon trop grand traditionalisme). L'auteur réussit en seulement quelques stéréotypes à faire vivre ses Orcs.

    Shuriken in Shadows (Jason Pitre) C
    Vous jouez un Clan de ninjas dans le Japon du XVIe siècle. Je me demande si les mécanismes de Hillfolk ne demanderaient pas plus d'ajouts sur l'Honneur ? Et pour un tel jeu sur des super-voleurs/assassins, je voudrais un système de résolution des scènes procédurales moins abstrait.

    Teatime for Elephants (Wolfgang Baur) B
    Vous êtes un groupe de colons britanniques dans le Raj indien à la fin de l'époque victorienne. Il y a vraiment du potentiel pour une très bonne série historique. Là aussi, je crois qu'il faudrait quand même plus de documentation.

    Dreamspace (Keith Baker) A
    Vous êtes l'équipage de l'Endymion, une onironef (dreamship) qui voyage dans l'Inconscient collectif (mais sous l'influence de l'Inconscient du ou de la Capitaine) mais votre navire des songes semble s'être perdu en chemin pour une raison inconnue. A l'origine, votre voyage était commercial (car le Plan des Rêves est un moyen de contourner l'Espace réel) mais à présent vous explorez malgré vous ces Songes. Un mélange de Star Trek et de Alice in WonderlandInception, ou La Méthode du Docteur Chestel, de loin mon favori car je vois vraiment comment une campagne pourrait se dérouler sans trop de risque de répétition et en se contentant de ces quatre pages d'introduction comme piste de départ. Il faudra certes décider des secrets de chaque membre de l'équipage (que refoulent-ils au juste ?) mais c'est normal dans toute création de personnage de ce type de jeu.

    Intelligence (Will Hindmarch) B
    Vous êtes des androïdes intelligents qui doivent se cacher dans une Amérique de la fin du XXIe siècle, poursuivis par le FBI qui veut vous déconnecter. C'est donc Blade Runnerà l'envers, comme dans la série Real Humans ou dans AI.

    Maroons (Rob Heinsoo) A
    Vous êtes des esclaves africains évadés d'une plantation du Brésil ou de la Guyane Néerlandaise qui avez formé votre mocambo, village isolé, dans la jungle avec quelques Indiens Tupi et éventuellement quelques métis et Européens. Vous suivez un animisme de culture yorùba mélangés avec ceux des esprits totémiques des shamans tupi. L'auteur de 13th Age a cherché peut-être le thème le plus original de tout la bouquin. Je ne comprends en revanche pas trop qu'il veuille appeler le mocambo "New Angola" si les évadés sont de culture yoruba et non bantu (et le nom même d'Angola est une déformation portugaise d'un roi local, même des angolais de cette période ne l'auraient donc sans doute pas utilisé). Je serais très curieux de voir ce que cela pourrait donner mais cela demanderait vraiment du travail de préparation.

    For Queen or Country, or: Dead Mens’ Chests (Ed Greenwood) C
    Sous la Reine Elizabeth Ie, la Guerre entre les Services secrets de la Reine-Vierge et les créatures féériques qui tentent de déstabiliser son royaume, sous la direction de Lorlorn le Cornu. Pas assez de pistes pour que ce soit vraiment jouable.

    Si je récapitule, cela donne quand même pour moi au minimum six contextes que j'aurais vraiment envie de jouer : Hollywoodland, Mad Scientists, Brigade, By this Axe, Dreamspace et Maroons. Il y en a encore 30 de plus dans le supplément Blood on the Snow (dont une campagne de vampires immigrés aux USA par notre compatriote Cédric Ferrand), mais j'ai vraiment la flemme de lire cela aujourd'hui.

    Divers liens rôludiques

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  • Pour l'Alphabet d'avril de cette année, Jeff Grubb a choisi d'énumérer des Mondes et non plus des jeux.

  • Une discussion intéressante (podcast) avec Ryan Dancey (ancien créateur de l'Open Gaming License du d20, qui est maintenant passé plutôt vers les jeux en ligne car il pense que l'industrie du jeu de rôle n'est plus viable). Il discute l'économie actuelle du jeu de rôle depuis la victoire surprenante par KO de D&D3.75 contre D&D4. Dancey peut paraître dogmatique dans certaines opinions (encore qu'il s'appuie quand même sur des études de marché et pas seulement sur ses propres impressions) mais je n'ai jamais compris le niveau étrange de haine des Geeks contre lui comme bouc-émissaire de tous les problèmes du jeu de rôle (même s'il a l'air de faire plus de marketing que de création). Oui, l'OGL eut de nombreux effet secondaires (le raz de marée des mauvais produits d20 vers 2000 et l'effondrement d'une bulle) mais je ne vois pas ce qu'il y avait d'anormal à ce que D&D (à l'époque très mal en point) tente de reprendre une position hégémonique par ce moyen.

  • J'aime bien dans la discussion du lien précédent ce commentaire très désabusé et trop amer de mobunited contre le courant du rétro et sur le déclin du côté commercial. Je défendrais au contraire le rétro pour sa créativité et sa tentative de réappropriation individuelle de ces activités ludiques mais il y a un peu de vrai dans l'idée qu'il y a aussi beaucoup de ressentiment dans ce groupe (il suffit de voir la violence des flamewars inutiles et des Guerres entre les Editions) :

    I think at this point WotC has realized that it has a greying audience with a large contingent of nostalgic folks (see the retro-D&D movement) who want to be served D&D that feels like what they think D&D was when they started, and want to feel like they're part of a semi-official creative community that can influence game design (many gamers generally believe that RPG designers are either more successful than they are, or are parasites who should step aside for True Fans/Independents, or in a display of neurological flexibility, both at the same time). The new version of D&D is there for them, and I think WotC desperately wants that audience to take ownership of it. Accordingly, it is aggressively non-innovative and has no enduring aesthetic framework except what can be applied post hoc after everyone has their say. But at this point does it really matter? Virtually every conceivable variant of the rules can be acquired free or cheaply, and that's before we get into the scans/ebook sales-->/tg/-->torrent piracy cycle that the most desired market segment might be going to *first*.
    Une compagnie comme Sans Détour en France (qui a la license de Call of Cthulhu et lance maintenant les Lames du Cardinal sur de l'uchronie XVIIe fantastique) a compris que l'évolution actuelle du marché est que n'importe qui peut produire des jeux intéressants très économiques voire gratuits et donc qu'une compagnie commerciale doit produire des livres plus luxueux qui visent un public plus restreint de collectionneurs ou fétichistes qui ne seront pas tentés simplement par un pdf piraté.

  • Le forum de RPG.net a joué à la Carte d'Univers de fantasy pour remplacer toutes les autres et à la Carte d'Univers de Space Opera pour remplacer toutes les autres.

    Et puisqu'on parle de cartes, cette carte historique du Royaume archéo-arménien d'Urartu (Ararat) au VIIIe siècle avant notre ère (sous le règne de Rusa, vaincu par l'Assyrien Sargon II, avec les vrais Cimmériens proto-historiques) est si obscure qu'elle pourrait servir de carte fantastique assez facilement.
  • [GoT] S4E01 Les Deux Epées

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    SPOILERS bien entendu, sinon à quoi cela sert d'en parler. 
    Mais SPOILERS modérés ou ambigus

    Le titre renvoie à l'humiliation finale de la Maison Stark quand Glace, la Grande épée valyrienne de Robb, est fondue par Tywin pour donner deux épées de taille plus convenable. On a aussi une inversion du cliché tolkienien de l'épée reforgée, c'est l'épée dissoute. C'est parce qu'elle est en acier valyrien qu'elle n'est pas intégrée au Trône, sans doute. Cela fait aussi une belle unité avec la fin où Arya récupère Aiguille.

    à King's Landing
    Oberyn Martell est un des personnages les plus intéressants de la série, à la fois sinistre et assez sympathique, ce qui est assez rare (à part Jaime Lannister). La Vipère rouge pique presque la vedette à Tyrion.  Dès le début, ils veulent nous rappeler la tradition de Sexposition dans les Lupanars de cette série mais ils y vont un peu lourdement dans cette scène.

    Je n'avais pas clairement associé le Royaume de Dorne à cette Espagne mauresque mais c'est assez évident dans les descriptions.


    Sansa est toujours aussi peu intéressante. J'espère qu'ils réussiront à en faire un Bildungsroman plus développé. Mais ici, un de ses rares actes courageux et complètement désintéressés (quand elle avait sauvé la vie de Ser Dontos Hollard) ne va même pas lui profiter - on a un peu l'impression de lire Justine ou les Infortunes de la Vertu. On a aussi deux inversions de clichés : le Fou est généralement un personnage sympathique (par exemple dans les romans de Robin Hobb) et quand un personnage se fait ainsi sauver, il doit normalement dans une fiction tenter de payer sa dette en devenant un allié inconditionnel.

    L'autre Pistolet de Tchekhov de l'épisode lié à cela, c'est ce déjeuner de la future Reine Margaery Tyrell et de la Reine des Epines. Cela n'a l'air de rien et ils cachent dans la rencontre avec Brienne de Tarth le noeud de ce qui va se passer.

    J'ai enfin compris pourquoi ils ont fait rentrer Jaime Lannister plus tôt dans la série que dans la fin du 3e roman, A Storm of Swords : c'est pour qu'il ait plus de raisons de détester son fils-neveu le roi Joffrey. Cersei, en revanche, paraît un peu simpliste dans son égoïsme et on ne comprend pas bien sa relation avec Qyburn.

    Sur le continent, près de Meeren
    Le nouvel acteur qui joue Daario Naharis (le Néerlandais Michiel Huisman à la place d'Ed Skrein) est bien meilleur même si le personnage continue à être agaçant. Il est curieux qu'ils n'aient fait aucune tentative de ressemblance entre les deux acteurs.



    Au bord du Mur
    La tentative de rendre les Free Folks aussi intéressants que les Fremen de Dune a plutôt échoué dans la série, non ?

    Jon Snow est meilleur mais il faudrait que Sam Tarlyévolue aussi comme maester avec Aemon (sa ressemblance avec Samwise Gamgee dans sa bromance avec le Héros me le rend de plus en plus pénible).

    à l'Auberge de la Croisée des Chemins (entre Harrenhal et le Nid d'Aigle)
    Arya continue de glisser vers une vie d'assassin. Le sadisme de cette série me fatigue un peu mais j'aime assez peu le drame du revenge porn quand il n'est pas aussi humoristique que du Inigo Montoya.

    Vous avez dit que vous n’étiez que trois, mais il me semble, à moi, que nous sommes quatre.

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    N'est-ce pas étrange que Sans Détour ait choisi de se concurrencer soi-même en sortant à la fois la vf de Tous pour un : Régime Diabolique, le jeu américain sur Richelieu (avec une touche de sorcellerie) et son propre jeu Les Lames du Cardinal sur les romans de Pierre Pevel (où le fantastique est plus accentué, je crois, et uchronique mais qui se passe exactement à la même époque) ?

    Superman & the Underground World

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    Via le tumblr des aventures chronologiques de Superman (par le même auteur, Jon Morris, que l'excellent Gone & Forgotten), ce dessin animé, daté du 18 juin 1943 (le nom de Fleischer apparaît encore dans le générique mais les frères Fleischer avaient en fait déjà été chassés de leur propre studio par Paramount), The Underground World a une série de cartes qui font très jeu de rôle je trouve. Mais cela me fait penser que les oubliettes d&desques n'utilisent peut-être pas assez les cours d'eau dans les grottes (sauf pour y mettre des lacs).

    Au-delà des Chutes de ces grottes vit une espèce non pas d'Hommes-Taupes mais d'Hommes-Faucons. Ils ont divinisé un explorateur humain qui les aurait découverts vers 1900 mais cela ne les empêche pas de vouloir sacrifier leurs prisonniers à cette statue (depuis au moins Cortez, l'imaginaire occidental pense toujours que le voyageur étranger sera pris soit pour un Dieu soit pour une victime à offrir au Dieu, il n'y a pas de milieu dans ce mécanisme de bouc-émissaire).

    Le héros Hawkman de l'Âge d'Or rencontrera trois ans plus tard une peuplade très similaire de petits Horus vivant au Groenland, la Cité cachée de "Feithera", dans Flash #71, mai 1946 (et Roy Thomas se souviendra de cette histoire pour créer un autre héros membre d'Infinity Inc, Northwind).




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